Pour ce quatrième rendez-vous de L’Inventoire sur notre plateforme, Hélène Massip vous propose d’écrire à partir de « Les orages » de Sylvain Prudhomme (L’arbalète Gallimard, décembre 2020).
Envoyez-nous vos textes sur Teams (un feuillet standard ou 1500 signes maxi) jusqu’au 2 mars 2021 ! Vous pourrez y découvrir les textes des autres participants et échanger avec eux ! Une sélection sera ensuite publiée sur l’Inventoire.
Si vous avez déjà participé au précédent atelier, vous êtes déjà invité, sinon inscrivez-vous dès maintenant ici: Bulletin d’inscription sur la plateforme de l’Inventoire. Nous vous remercions d’envoyer uniquement des fichiers Word ou odt, caractère 12, Times, en mentionnant sur le titre du fichier votre nom et le titre de votre texte.
Extraits
Les cendres (p 55)
La Clio grise est lancée à cent trente sur l’autoroute. C’est le mois de juillet. La matinée se termine. Il fait beau, un soleil ordinaire d’été dans le Sud, que tous les trois regardent à peine, ou seulement pour se montrer la mer lorsqu’au détour d’un virage ou à la faveur d’une descente elle surgit entre les collines. La climatisation est poussée à fond. Malgré la chaleur au-dehors, la température de l’habitacle est agréable. Ils viennent d’assister à la messe. Maintenant ils accompagnent le corps au cimetière, à une bonne heure de route.
Il est assis à l’arrière, à un endroit où il ne s’installe plus qu’exceptionnellement désormais, habitué à tenir le volant ou à s’asseoir à côté de celle qui le tient, la banquette arrière réservée depuis dix ans au voyage des enfants, les leurs ou ceux d’amis.
Il aura bientôt quarante ans mais ce matin c’est comme s’il était à nouveau gamin, partait à nouveau en vacances avec ses parents en se faisant conduire comme autrefois. Il tire un peu sur sa ceinture, se penche en avant pour mieux entendre et se faire entendre. La longue procession de la vie s’est remise en ordre : son père est au volant, sa mère à la place du mort, comme il est d’usage de dire, malgré l’inexactitude de cette désignation, la place du mort n’étant jamais, que je sache, la place d’un vrai mort déjà mort….
La nuit (p 165)
… La voiture descend dans l’odeur des pins. J’entends les graviers qui crissent sous les pneus. J’aperçois l’eau qui scintille à travers les aiguilles des pins en contrebas. J’entrevois la maison suspendue au-dessus de la mer. Et pour la première fois depuis des mois je sens que je respire mieux. Qu’enfin commence à dégeler le bloc de tristesse qui depuis l’accident m’écrase, m’anéantit, me vide. J’ai réservé presque par hasard, au dernier moment. Une annonce qui venait d’être mise en ligne et que par chance j’ai vue à temps. Ça a l’air bien, j’ai dit au père de mes enfants. J’ai l’impression que c’est au bord de la mer, j’ai ajouté prudemment, sans trop dire que les photos étaient sublimes, que l’endroit semblait fou, que c’en était suspect, que je ne comprenais pas comment mi-août sur l’île invariablement prise d’assaut un endroit si splendide pouvait se louer si bon marché…
Proposition d’écriture
Dans les treize histoires ramassées qui composent le recueil, l’auteur nous amène directement à l’instant qui l’intéresse, sans avoir besoin d’installer le dispositif narratif nécessaire au roman. Les orages, c’est à la fois la tempête et quelque chose de très ordinaire, qui passe. Il y a eu une foule d’orages, pour une foule d’autres gens avant, nous dit l’auteur, et pourtant chacun a sa lumière, son instant, que ces histoires racontent.
Je vous invite à votre tour à écrire une courte histoire autour d’un moment décisif, si ordinaire soit-il.
Par exemple, un moment où l’on s’attarde dans un lieu bien connu et que l’on va quitter. Un moment où on prend conscience qu’une relation a changé, ne sera plus jamais la même, parce que le temps a passé ou parce que les sentiments ont changé. À la maison ou au travail. Un rêve qui passe. Quelque chose qui se grippe dans la routine d’une vie de famille. Un geste, un mot qui soudain s’éclaire autrement. Une perception qui change. Un rôle ou une posture qui s’éloigne de soi. Presque rien, ou, au contraire, le contrecoup d’un choc.
Donnez à voir la scène, sans explication, sans préambule, sans faire connaître le personnage principal au-delà de ce qu’il accomplit, vit ou pense dans ce moment précis. Faites entrer le lecteur directement dans le cours de l’histoire.
Écrivez au présent.
L’auteur
Né en 1979, Sylvain Prudhomme, auteur de romans, de nouvelles et de reportages, est un auteur sensible, capable de dire des choses essentielles en peu de mots, presqu’en sourdine, touchant un grand nombre de lecteurs. Ses livres ont reçu plusieurs prix littéraires et sont traduits dans plusieurs langues. Dans la collection « L’Arbalète » il a notamment publié Là, avait dit Bahi, Les grands et Par les routes, prix Femina et prix Landerneau des lecteurs 2019.
Le livre
Ce livre est composé de treize histoires, certaines très courtes, d’autres allant jusqu’à une trentaine de pages. Elles ont pour point commun d’explorer « ces moments où la vie d’un être vacille, où tout à coup il est à nu. Heures de vérité. Bouleversements parfois infimes, presque invisible du dehors. Tourmentes après lesquelles reviennent le calme, le soleil, la lumière. » Pourtant la vie d’un être est modifiée : il peut s’agir d’un bouleversement intense qui change le regard sur le monde, comme dans la première histoire : un père dans une chambre d’hôpital qui veille sur son enfant très malade. Il peut s’agir aussi de la prise de conscience du passage du temps, lorsqu’adulte on s’installe à nouveau à l’arrière de la voiture de ses parents. Parfois, c’est le moment où quelque chose se résout, comme dans « La nuit », qui clôt le recueil.
La plupart des textes ont été écrits entre mars et septembre 2020.
Hélène Massip, est auteur de nouvelles, de poèmes et de haïkus. Elle pratique le qi-gong. Sa dernière publication : L’affiloir des silences, collection « Poésie XXI », Jacques André Éditeur, 2016.
Elle animera sur Teams un atelier Module 2 à partir du 5 mars de 9 h à 12 h et une journée Écriture et qi-gong le dimanche 6 juin de 10h à 17h au Parc de la Tête d’or à Lyon.