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Cette semaine, Sylvette Labat vous propose d’écrire à partir de « La ville de vapeur » de Carlos Ruiz Zafón, (Actes Sud, novembre 2021. Nouvelles traduites de l’espagnol par Marie Vila Casas). Surgi d’un incipit, un personnage devra vivre un événement, dans une ville de votre choix. Vous pouvez poster vos textes (1500 signes maximum) sur Teams Inventoire jusqu’au 2 mai 2022. En format word ou odt (caractères 12).
L’auteur
Carlos Ruiz Zafón est né à Barcelone en 1964. Il a écrit son premier roman à l’âge de quatorze ans. L’écriture ne l’a ensuite jamais quitté. En 1993 paraît Le Prince de la brume, le premier volet du Cycle de la brume, qui sera complété ensuite par Le Palais de Minuit et Les lumières de septembre. S’ensuivra le Cycle du cimetière des livres oubliés, composé de L’Ombre du vent, le Jeu de l’ange, Le Prisonnier du ciel et Le Labyrinthe des esprits.
Carlos Ruiz Zafón enchaîne les bestsellers et les prix littéraires. Ses livres séduisent bien au-delà des frontières de l’Espagne. En 2009, il est en effet le cinquième écrivain de fictions le plus vendu en Europe. A partir de 1993, il s’installe à Los Angeles où il écrit des scénarios de films. C’est là qu’il meurt, en juin 2020, des suites d’un cancer.
Extrait : Le début de la nouvelle intitulée La femme de vapeur
Je ne l’ai jamais avoué à personne, mais j’avais obtenu l’appartement par pur miracle. Laura, une fille aux baisers de tango, travaillait comme secrétaire pour l’administrateur de biens du premier étage, deuxième porte. Je fis sa connaissance un soir de juillet au ciel embrasé de brume et de désespoir.
Je dormais à la belle étoile sur un banc de la place quand le frôlement d’une bouche me réveilla. « Tu as besoin d’un endroit où te loger ? » Laura me conduisit jusqu’à la porte. Le bâtiment était un de ces mausolées verticaux qui envoûtent la vieille ville. Je la suivis dans les escaliers, presque à tâtons. La bâtisse craquait sous nos pas comme un vieux navire. Laura ne me demanda rien, ni fiches de paie ni références. Cela valait mieux parce qu’en prison on ne te donne ni les unes ni les autres. Le logement du dernier étage, une pièce suspendue dans une friche de toits, faisait la taille de ma cellule. « Je le prends », dis-je. À dire vrai, après trois années passées en prison, j’avais perdu le sens de l’odorat, et le bruit des voix qui suintait des murs ne m’était pas nouveau. Laura montait presque toutes les nuits. Seules sa peau froide et son haleine brumeuse ne brûlaient pas cet été-là. À l’aube, elle dévalait les escaliers en silence et disparaissait.
Proposition d’écriture
Je vous propose d’écrire un très court récit, fantastique ou pas. Un personnage au moins devra vivre un événement, dans une ville de votre choix. Cette ville peut être réelle, connue de vous ou imaginaire. Vous en évoquerez l’atmosphère, le climat, l’architecture…
Vous écrirez au temps et à la personne que vous voudrez.
Tentez d’alterner éléments descriptifs et passages narratifs.
Trouvez une chute, une fin pour clore votre texte.
Une contrainte : vous démarrerez votre texte à partir de l’un des incipits que je vous propose, extraits de nouvelles de Zafón. Vous avez le droit de les modifier légèrement, en particulier de changer les noms propres.
Incipits extraits de nouvelles de Carlos Ruiz Zafón in La ville de vapeur
Le sixième jour, alors que je commençais à croire que j’avais rêvé cette rencontre, je m’engageai dans la rue des Miroitiers en direction de l’entrée latérale de la cathédrale. Un brouillard épais était tombé sur la ville et il se coulait le long des rues comme un voile blanchâtre.
***
Le bateau fut aperçu à l’aube. Des pêcheurs qui réparaient leurs filets devant la Muraille de la Mer le virent émerger de la brume, poussé par la marée. Quand la proue vint échouer sur le rivage et que la coque gîta à bâbord, ils se hissèrent sur le pont.
***
Quand je sortis, la trace de la jeune fille se perdait déjà sur le manteau blanc. Je la suivis dans le dédale de rues et d’édifices éventrés par les bombes et la misère jusqu’à la place du Les de la Palla, où j’eus à peine le temps de la voir monter dans un tramway qui remontait la rue Muntaner. Je courus derrière le véhicule…
Le recueil de nouvelles : La ville de vapeur
On retrouve dans ce volume posthume, voulu par l’auteur et qui rassemble l’intégralité de ses nouvelles, une atmosphère et une thématique qui seront familières au lecteur de Carlos Ruiz Zafón : des écrivains maudits, des bâtisseurs visionnaires, des identités usurpées, une Barcelone gothique et certains des personnages phares de la tétralogie du Cimetière des Livres oubliés (4e de couverture).
Autant de récits qui constituent d’émouvantes miniatures d’un talent narratif incomparable et dégagent un charme profond et envoûtant, dans un halo de mystère et de vapeur. Le dernier hommage à un monstre sacré de la littérature.
Onze contes teintés de fantastique, où rôdent, tels des fantômes, les personnages de son oeuvre.
Les familiers de l’univers de Zafón s’y retrouveront aisément : il est question ici de labyrinthes, d’une bibliothèque dissimulée sous la basilique Sainte Sophie à Constantinople, d’un manuscrit disparu de Cervantès ou encore de Gaudi et pourquoi il n’eut pas assez d’argent pour achever sa Sagrada Familia. Les héros et/ou narrateurs sortent des romans de Zafón. Les nouvelles se répondent, l’écrivain s’en joue et invente des récits dans le récit dans le récit.
Le point commun entre ces envoûtantes nouvelles posthumes de l’auteur de L’Ombre du vent ? Barcelone, la capitale catalane, recréée à des époques différentes. Chaque nouvelle plonge le lecteur dans un univers étrange, où le vrai et le faux jouent à cache-cache, rappelant que les apparences sont souvent trompeuses.
S.L.
Sylvette Labat animera « Expérimenter l’écriture » le 7 mai.
Après de nombreuses années, passionnées, d’enseignement comme professeur des écoles, elle a rejoint l’équipe d’Aleph en 2013.
Elle vit à Toulouse et anime des ateliers réguliers en présentiel et à distance. Très intéressée par les romans polyphoniques, elle a créé et anime le stage « Écrire un récit à plusieurs voix ».