Cette semaine nous vous proposons d’écrire à partir du roman de Claudie Hunzinger « La langue des oiseaux » (2014, Grasset). Envoyez-nous vos textes jusqu’au 7 juillet à atelierouvert@inventoire.com.Hélène MASSIP
Extrait
« Comme des Garçons Blouson noir
Il est en laine noire pour le torse très menu.
En velours de coton noir pour les épaules matelassées, incroyablement larges et comme musclées.
Il renverse l’ordre des choses : une femme adorable en homme costaud (^^ !).
Grâce à lui j’ai fait fuir des molosses.
Peur de rien.
Il se ferme d’un zip.
On était samedi soir. Les enchères allaient commencer. Il me restait quelques secondes, j’ai enchéri, et encore enchéri, et le blouson, je l’ai eu. Là, il disparut, aussitôt remplacé par un autre vêtement, accompagné d’un nouveau texte qui resterait en lice une semaine…
… J’ai envoyé un message à Kat-Epadô, manifestement une femme, pour mettre au point l’achat, ajoutant que j’avais aimé le texte de son annonce autant que le blouson. Et tout autant le texte de la robe. Que j’allais les imprimer. J’avais signé ZsaZsa, mon pseudo et surnom dans la vie. Quelques minutes plus tard, le chiffre 1 en rouge s’affichait dans ma boîte aux lettres et Kat-Epadô me disait combien je venais de l’encourager. Elle aussi allait imprimer mon message. C’était signé Sayo, son prénom.
L’écran affichait en haut à droite dim. 02 : 06. L’heure de pure fiction. »
Suggestion
Dans l’ouvrage de Claudie Hunzinger, La langue des oiseaux (Grasset, 2014), l’heure de pure fiction advient au cours de la nuit d’octobre où les aiguilles des montres, parvenus à 3 : 00, se retrouvent aussitôt à 2 : 00, grâce au passage à l’heure d’hiver.
Il pourrait s’agir aussi de l’une de ces heures qui s’évanouissent lors d’un voyage dans un pays étranger, à cause du décalage horaire.
L’important, c’est que, au cours de cette heure « fictive », un personnage fait son apparition.
Souvenez-vous d’une de ces heures. Retrouvez, ou inventez, le moment, le lieu, les pensées qui vous animent, vos sentiments, ce vers quoi vous allez.
Le personnage qui rejoint alors votre réalité, qui est-il ? Quel est son nom ? Quel dialogue s’installe avec lui ? Par quel moyen communiquez-vous ? Quel bout de chemin faites-vous ensemble ? (Kat-Epadô, le pseudo de Sayo, signifie en grec ancien : chanter aux oreilles, prononcer des paroles magiques, ensorceler).
Introduisez-nous dans cette relation. Envoyez-nous un feuillet, celui qui évoque la rencontre proprement dite (1500 signes maximum).
Ce livre joue sur plusieurs registres, sans que le fil narratif en soit perdu pour autant. C’est un roman sur la langue, les langues et l’écriture. La fiction se mêle à l’autobiographie. La langue chinoise, dont le père de la narratrice était traducteur, devient la langue des oiseaux dans un souvenir d’enfance. On y croise les poètes chinois Du Fu et Li Bai, la poétesse américaine Emily Dickinson et le discret poète suisse Robert Walser. L’histoire est pourtant très contemporaine. La narratrice quitte Paris, son emploi de correctrice et son compagnon, pour s’installer pendant un an en pleine forêt, dans les Vosges. Elle habite une maison isolée et sans confort. Elle s’immerge dans la nature, observe les oiseaux, reprend l’étude de la langue chinoise. Elle tente d’écrire son second roman.
Contrainte à un retour ponctuel à Paris pour une obligation professionnelle, elle se met à la recherche d’une tenue vestimentaire sur eBay. Elle reste frappée par la formulation d’une annonce. Sayo, sous le pseudonyme de Kat-Epadô, est une jeune Japonaise vivant en France, contrainte à vendre, semaine après semaine, les pièces de sa collection de vêtements de la marque Comme des Garçons. S’ensuivent la correspondance, puis la rencontre et enfin la fuite.
Claudie Hunzinger est artiste plasticienne et écrivain. Elle vit en montagne. Elle a fabriqué des livres en foin, écrit des pages d’herbes, édifié des bibliothèques en cendre. Elle a publié six livres. Bambois, la vie verte (Stock, 1973), est le récit d’une reconversion dans une bergerie des Vosges. Elles vivaient d’espoir (Grasset, 2010), retrouve les traces d’un amour entre deux femmes, dans les années trente, à partir de cahiers secrets. Dans La Survivance (Grasset, 2012), elle raconte l’histoire d’un couple de libraires, passionnés mais ruinés, contraints à vivre au cœur de la nature, loin du confort matériel et dans la solitude, n’emportant avec eux que leurs livres.
H.M.
Hélène Massip est bibliothécaire et également auteur de nouvelles, de poèmes et de haïkus. Dernière publication: « Au bout du compte », dans Quelles nouvelles, Editions La Passe du vent (2004).
Elle animera un stage « écrire en librairie » (L’atelier ouvert) à Evian-les-bains le samedi 11 juillet 2015 de 15:00 à 17:00
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