Alain André vous a proposé d’écrire à partir du grand roman de l’écrivain catalan Jaume Cabré : Confiteor (Actes-Sud, 2013). Voici un troisième texte, celui de Sylvie MARCEL.
Sous l’éclairage de la lampe, aveuglément, il me tarde de me décharger d’un poids, qui, si j’avais pu être plus lucide, m’aurait permis d’avancer dans la vie d’un pas plus léger. Au lieu de cela, il m’a semblé traverser les âges en claudiquant, prisonnier d’un mensonge qui me maintenait à la fois à flots et à la fois en marge, bref jamais dans l’attitude d’un homme droit ayant laissé ses doutes derrière lui.
Si j’ai décidé d’écrire et de t’écrire plus particulièrement, c’est parce que pour moi le soleil touche à sa fin, et que le sel des choses se faisant de plus en plus rare, je me tourne plus souvent vers les épisodes qui ont jalonné mon existence, et ceux qui ont plus particulièrement forgé mon destin. J’ai le temps désormais pour faire le tri et réorganiser à ma guise la priorité des événements, laissant l’impartialité à ceux qui me jugent du dehors, de leur regard extérieur qui n’a rien à voir avec une quelconque bienveillance.
Si j’ai décidé de t’écrire, c’est pour revenir sur cette blessure, la blessure de ma jambe, la gauche. Comment te dire que la blessure dont la famille entière se souvient encore, cette blessure de guerre mondiale, la première, qui a fait de moi un héros, a été recouverte, à la seconde, par une blessure moins glorieuse et plus trouble, même politiquement. Et comment de la blessure physique, la seconde ayant recouverte la première, je me suis enferré dans une douleur morale dissimulatrice et toxique.
S.M.