Cette semaine, Béatrice Limon vous propose d’écrire à partir de « Alors c’est bien », de Clémentine Mélois, (L’Arbalète Gallimard, août 2024), et de jouer sur les contrastes, de mettre en avant les détails cocasses ou drôles d’une scène qui pourrait être tragique.
Vous pouvez poster vos textes (1500 signes maximum espaces compris, en format Word) sur Teams Inventoire jusqu’au 14 décembre 2024. Si vous êtes déjà inscrit sur notre plateforme il vous suffit de vous connecter, sinon, merci d’utiliser ce lien pour vous inscrire gratuitement : Bulletin d’inscription sur la plateforme de L’Inventoire.
Clémentine Mélois
Plasticienne et écrivaine, membre de l’Oulipo, elle a participé à l’émission Des Papous dans la tête sur France Culture. Elle enseigne à l’école des Beaux-Arts de Nîmes, elle a publié chez Grasset, au Seuil et maintenant chez L’Arbalète Gallimard.
Alors c’est bien
Il s’agit d’un roman autobiographique dans lequel Clémentine Mélois raconte, entre humour et tendresse, la préparation des obsèques de son père, le sculpteur Bernard Mélois… qui n’est pas encore mort au début de l’histoire mais qui décline de jour en jour.
Bernard Mélois était sculpteur sur tôle émaillée et récupérait donc un nombre invraisemblable d’ustensiles de cuisine pour ses œuvres. La maison et les remises sont un capharnaüm joyeux dans lequel Clémentine et sa sœur Barbara, devenue marionnettiste, ont grandi, joué, rêvé, commencé à créer. Il faut que les obsèques soient joyeuses, il faut qu’il ait « un enterrement de pharaon ».
L’écriture est très simple, un peu à la façon d’un journal de bord. Elle est surtout très touchante, parce que le drôle vient tempérer le triste, le fantasque vient atténuer le drame, l’obstination vient détourner le cruel. Et le bricolage de la cérémonie, à la fin du livre, transforme le deuil en fête recueillie.
Extraits du tout début
« Il faut que je raconte cette histoire tant qu’il me reste de la peinture bleue sur les mains. Avec ce bleu, j’ai peint le cercueil de Papa. Un bleu RAL 5002 fabriqué à la demande chez un marchand de peinture absurde, dans un hangar à moitié vide derrière le Leclerc de Villers-Cotterêts. J’étais soulagée que le vendeur ne me demande pas à quel usage je le destinais. C’est pour l’intérieur ou l’extérieur ? Pour une cuisine ou une salle de bains ? Non, c’est pour le cercueil de mon père.
Au « showroom » des pompes funèbres, une demi-douzaine de cercueils de démonstration occupait un pan de mur. Il y avait notamment le choix entre le cercueil Montesquieu (chêne 27 mm, à 1863 euros et 20 centimes), le cercueil Rimbaud (pin verni 22 mm, à 894 euros et 5 centimes) et le cercueil Boileau (pin miel 22 mm, à 1 080 euros tout rond). Pourquoi le Rimbaud était-il vendu deux fois moins cher que le Montesquieu ?
Je n’ai pas posé la question à la dame des pompes funèbres. Derrière son bureau ruisselait un frais papier peint imprimé d’une cascade de montagne aux couleurs vives. Sur le mur d’à côté s’étendait une prairie de graminées tout aussi démesurée sous un ciel bleu, du genre fond d’écran de Windows. Je suppose qu’une étude américaine a prouvé l’effet apaisant du fond d’écran Windows sur le visiteur endeuillé venu fixer les modalités d’un enterrement.
Une fois les papiers remplis, il a fallu rédiger l’annonce à faire paraître dans le journal local. Lorsque j’ai demandé à remplacer « décédé » par « mort », la dame des pompes funèbres s’est récriée : « Ah ça non, alors ! Non, non, non ! » Je n’ai pas argumenté. Elle devait avoir reçu des consignes d’apaisement, en plus du papier peint cascade.
Pour en revenir aux cercueils, j’ai trouvé qu’ils étaient chers – d’autant que c’est un achat ingrat. Encore pire que de devoir payer une police d’assurance, changer ses fenêtres ou la courroie de distribution de sa Twingo. « C’est bête, se dit-on, avec ça j’aurais pu m’offrir des vacances à Tahiti. » Enfin, c’est ainsi, on le sait bien : la vie est faite de beaucoup de courroies de distribution à changer, et de très peu de vacances à Tahiti. »
Proposition d’écriture
Alors je vous propose d’imaginer une scène et de la raconter du point de vue d’un personnage qui la vit ou qui y assiste, une scène qui pourrait éventuellement être dramatique mais dans laquelle vous allez vous évertuer à mettre en avant des éléments comiques, des détails observés, des à-côté ironiques. C’est-à-dire jouer sur le contraste entre la situation et son récit.
Pas besoin qu’il y ait un mort dans l’histoire, qui viendra un peu de vos souvenirs et un peu de votre imagination : dans la sphère publique, une bagarre, une manifestation, un effondrement, une élection inquiétante, tout fait divers peut vous servir. Dans la sphère privée, la rupture, l’examen manqué, le dégât des eaux, une condamnation au tribunal ou même une coupe de cheveux catastrophique peuvent faire l’affaire.
L’important, c’est que vous puissiez vous essayer à ce procédé d’écriture : raconter quelque chose de triste ou pénible mais retenir les émotions, et garder le cap tragi-comique.
Longueur maximum de votre texte : 1 500 signes
B.L.