Le chanteur Arthur H vient de passer quelques mois avec son vieux complice Nicolas Repac à la Maison de la poésie. Dans une cave, transformée pour l’occasion en laboratoire de recherche à forte réverbération, ils ont testé ensemble des “mots-sons-idées”. Les 15 et 23 juin derniers, le public a pu avoir un premier aperçu de ce futur album sous la forme d’un concert littéraire. L’Inventoire y était et se fait un plaisir de vous livrer en avant-première quelques informations sur cet album qui s’annonce très… poétique.
Arthur H débute le concert devant son piano, hésitant, dissertant comme toujours. Il savoure l’instant, le prolonge en expliquant que, pour le moment, ces textes ne sont que des créations. C’est seulement une fois qu’elles auront été chantées devant un public qu’elles deviendront de véritables chansons. Pas avant. Mais alors, quel texte choisir pour commencer ? Le chanteur joue avec l’attente du public, le transporte en quelques mots dans la cave où furent créées les chansons, sous l’oreille attentive de rats imaginaires.
Enfin, il se lance avec une chanson qui ressemble étrangement à une proposition d’écriture : imaginer la suite d’un poème qui vous a particulièrement ému.
Le chanteur-compositeur a choisi Lily Dale de John-Antoine Nau. Poème qui le hante depuis longtemps puisqu’il l’avait mis en musique, 14 ans plus tôt, sur l’album Négresse Blanche.
Très vite, on oublie la notion d’exercice tant le résultat est abouti et tant Arthur H a su s’imprégner de l’univers du poète pour en imaginer un nouvel épisode, où il est question de forêt et d’un indien, nouvel amant de Lily Dale.
La chanson terminée, il sort une Anthologie de la poésie symboliste du 19ème, pour nous lire le poème originel.
Comme souvent avec Arthur H, il est question de rencontres, notamment dans une chanson hommage à Lhasa. Elle lui avait prêté son appartement, pendant qu’elle allait rencontrer Léonard Cohen à Montréal. Installé dans ce lieu, une chanson lui est venue, lui est littéralement « tombé dessus ». S’en suit la lecture d’un poème de Léonard Cohen sur l’ambiance si particulière de Montréal.
Entre deux chansons, il apostrophe son public :
« Vous n’avez pas honte d’écouter des chansons toutes nues. Vous n’avez même pas honte ! »
Le public rit et vocifère à l’unisson un NON. Non, il n’est pas dupe de l’artiste qui est à la fois ému et heureux de partager ses nouvelles chansons.
D’amour, il sera beaucoup question, notamment avec une longue balade
« L’amour est une faille dans le mur
[…]
L’amour est un loup doux,
hurlant sa lune blanche. »
En l’écoutant, on s’interroge : s’agit-il d’une chanson en soi ou d’un poème chanté ? Quelle est la différence entre les deux ? La réponse vient juste après la chanson, quand Arthur H se met à le lire de sa voix grave et envoûtante : poème et chanson.
La simplicité des mots et la puissance de l’interprétation sont également au rendez-vous avec sa chanson Tokyo Kiss, une variation construite essentiellement autour d’une phrase « I lost my name in Tokyo kiss ». Elle permet de se concentrer également sur la musique et de mesurer l’osmose entre Arthur H et Nicolas Repac qui à certains moments semble proche de la transe.
Ce moment de poésie s’est achevé par un rappel, un seul. L’artiste ne souhaitait pas reprendre une chanson déjà connue de son public mais piocher dans ses nouvelles chansons toutes fraîches. Il n’eut pas d’autre alternative que d’écouter son public qui face à ses hésitations lui imposa : La boxeuse amoureuse.
Choix intéressant car comme pour certains poèmes à la deuxième lecture, l’écoute permet de mieux saisir la profondeur du texte, la lutte de cette femme qui se fracasse contre l’amour mais lutte toujours en son nom.
Les spectateurs qui ont pu assister à ce concert littéraire écouteront avec attention le double album qui devrait être enregistré cet été, curieux de savoir si les chansons présentées en juin seront définitivement retenues et s’ils y retrouveront la magie du moment en l’écoutant.
Par Nathalie Hegron