En réponse à la proposition d’écriture d’Arlette Mondon-Neycensas, vous nous avez envoyé votre lettre d’admiration à un artiste. Voici le texte de Christiane Leydet à Ernest Hemingway.
Cher auteur, ma vieille tête de mule,
Ainsi, malgré mes craintes, mon souci constant de vous, vous persistez, vous vous entêtez, et signez de nouveau, sourd à mes conseils, ma brûlante amitié, durcissant ici le trait, ailleurs piétinant l’évidence, fou d’impatience, pris à votre propre jeu, enfant ! enfant ! ironique, vengeur, amusé, ainsi, d’une phrase, d’un trait, vous brouillez les pistes, semez le doute, assénez votre vérité, et laissez votre lecteur abasourdi, cruellement, absurdement, ainsi, plus rien ne vous retient, plus personne ne vous raisonne, plus personne ne vous console, rien qui vous satisfasse à présent, ainsi, vous avancez, bataillez, polémiquez, obstiné, injuste, drôle, invaincu, insolent, ainsi, naïf, quand je vous cherche à Paris, vous bataillez en Espagne, quand je cours vous rejoindre en Italie, vous embarquez pour le Kenya – Ernest, Ernest ! Vous n’apprenez rien, ne voulez pas, n’écoutez plus, ne songez qu’au prochain combat – ce texte, sous mes yeux, secrètement vous l’avez désiré, taillé à votre mesure, audacieux, imparfait, improbable – l’idée que vous vous faites de la littérature, de ce qu’elle ne saurait être – ainsi, force m’est de le reconnaître, vous accomplissez votre promesse, ainsi, force m’est de le reconnaître, vous êtes et vous serez, ainsi je vous aime, il n’y a rien à faire.
Votre inquiet, mais fervent admirateur (et éditeur),
Anatole Vollard