En réponse à la proposition d’écriture d’Arlette Mondon-Neycensas, vous nous avez envoyé votre lettre d’admiration à l’artiste avec lequel vous êtes depuis longtemps en dialogue intérieur. Voici le texte de Laurence Dautheville.
Cher Monsieur Prévert,
Je retourne depuis un moment la façon dont je vais m’adresser à vous. Je choisis la plus simple à mon goût, car c’est toujours avec un plaisir renouvelé que je lis et relis votre recueil Paroles. La magie opère quelle que soit la page à laquelle s’ouvre le livre, page 89 au hasard, « Familiale », les deux premières phrases de ce poème me bouleversent toujours autant.
« La mère fait du tricot, le fils fait la guerre »
Il est certain qu’une mère qui tricote aujourd’hui, cela ne se voit plus guère, mais la guerre n’a pas disparu. Les mères ne tricotent plus mais pleurent toujours leur enfant mort pour des guerres lointaines dans des pays difficiles à situer sur une carte.
« Et les vitres redeviennent sable/L’encre redevient eau/Les pupitres redeviennent arbres/La craie redevient falaise/ Le porteplume redevient oiseau. »
Et cette fin de poème ? Sable, eau, arbres, falaise, oiseau, bientôt vous ne pourriez plus l’écrire. Tout disparaît petit à petit. Le sable est emporté à chaque marée, l’eau s’épuise, les arbres de nos forêts sont débités et transformés en planches pour la confection de meubles ou pour du bois de chauffage, la falaise s’effrite et les oiseaux disparaissent à cause de l’air pollué.
Sans nul doute, vous sauriez trouver les mots pour rendre notre monde plus acceptable et plus supportable. Je tourne les pages de Paroles et je retrouve à chaque fois mon enthousiasme, mon admiration et le bonheur de vous lire.
Un seul mot me vient à l’esprit pour dire ce que je ressens : « Merci Monsieur Prévert. »
Laurence Dautheville