photo 2-1Par Valérie CLÒ

Auteur de 5 romans, Valérie CLÒ travaille depuis de nombreuses années dans l’audiovisuel notamment comme lectrice de scénarios et anime régulièrement des ateliers d’écriture.

Souvent le matin, je me réveille avec la sensation d’avoir les doigts pleins de mots et qu’il ne faudrait pas que je les secoue trop sinon ils risqueraient de se répandre partout. Il me faut mon carnet d’urgence pour les déverser. Je dis carnet mais une feuille, un morceau de papier, un bout de magazine, une enveloppe, tout ce que je peux saisir au pied du lit pourrait aussi bien convenir. C’est mon carnet exutoire.

J’y jette ma peine, mes mots bleus, c’est l’incohérence, la violence, l’étrangeté, les ruptures de ton, la sauvagerie, c’est tout ce que je ne montrerai jamais. Au milieu de ce flot, parfois un personnage, une situation, une idée d’histoire se dessine. Je les laisse alors jouer dans ma tête comme dans une cours de récréation. Il se peut que l’idée reparte pour ne plus revenir. Mais aussi qu’elle revienne et s’y installe. Je prends alors un autre carnet, et commence à écrire autour de cette idée. J’en précise les contours, je la ressasse, la malaxe, et comme une boule de neige, l’idée grandit, s’amplifie. Lorsque le processus d’écriture est enclenché, il arrive que des morceaux d’histoire me viennent par pans entiers, n’importe où, n’importe quand, comme les pièces d’un puzzle que je dois ensuite reconstituer. A ce moment là, mon carnet ne me quitte plus. C’est mon carnet de bord. Ma boussole.

Il devient le dépositaire d’un matériau que je vais travailler comme un sculpteur. D’abord un tas informe de mots, de phrases, de paragraphes, que je vais modeler, tailler, structurer, tantôt en enlevant des morceaux, tantôt en en rajoutant. Au bout de mes doigts, l’histoire prend vie. Une sorte d’intelligence, d’instinct du texte me pousse vers telles phrases, tels mots, tel agencement. L’incohérence du début fait place à une sorte de cohérence. L’histoire se précise, commence à se tenir seule debout. Je la regarde presque spectatrice, toujours subjuguée par cette magie. Et avec à chaque fois, le sentiment que si je ne m’étais pas mise à écrire, que je n’avais pas accordé l’attention et le temps nécessaire à cette idée, aussi petite ou étrange soit elle, ce texte n’existerait pas.

Lorsque le premier jet est terminé et qu’il me faut alors relire mon texte à haute voix pour en soigner les détails, affiner encore, retirer l’inutile, mon carnet devient alors le lieu de mes doutes, de mes angoisses, un passage entre le dedans et le dehors. Il devient soutenant, me donne la force de m’exposer, d’y aller, devient un ami, il contrecarre mes inhibitions, ma timidité. C’est mon carnet réconfort.

Réconfort aussi au moment de la publication. Lorsque la réalité vient percuter les illusions et les fantasmes, et que la peur au ventre, j’y jette mes craintes, mes doutes, mes joies, ma honte, le grand bonheur de partager, mais aussi la peine d’être incomprise, l’enthousiasme ou la dureté de certains, et parfois même mon envie de tout arrêter.

9782253179207-TPuis, petit à petit, les autres et le monde extérieur se font moins prégnants, ils s’éloignent pour faire place au calme, au renouveau, c’est le temps de la légèreté et de l’insouciance qui revient. Je prends alors un cahier vierge, et avant que les mots ne me brûlent à nouveau les doigts, j’y dépose mes désirs, ma sérénité retrouvée. C’est mon carnet à rêver.

Valérie CLÒ

Bibliographie
– Les Gosses, éditions Buchet &Chastel, avril 2013
– Plein Soleil, éditions Buchet &Chastel, janvier 2011
– Amours et cha-cha-cha, éditions Calmann-Lévy 2004
– Encore un peu de Patience, éditions Petrelle 2002, éditions J’ai lu 2003
– Papa bis, éditions Petrelle 2000, éditions Point virgule 2002

http://www.facebook.com/valerie.clo.7

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