Journaliste et formatrice en presse quotidienne régionale pendant vingt-cinq ans, Béatrice Limon a choisi de concilier sa passion de l’écriture et son désir de transmettre en animant des ateliers créatifs et littéraires. Elle animera du 24 janvier au 15 juin 2025 (à Paris en hybride) « Ouvrir l’enquête« . Mais de quelle enquête s’agit-il ?
L’Inventoire : Vous animez régulièrement des ateliers d’écriture littéraire, issus de votre expérience et de vos lectures. Avez-vous puisé l’idée de ce stage dans votre pratique de l’enquête journalistique ?
Béatrice Limon : Plutôt dans mes lectures, souvent tournées, il est vrai, vers l’écriture du réel, le monde tel qu’il va, la plongée dans un univers. Comme journaliste, j’avais plaisir à travailler à fond l’écriture, pour un résultat le plus fluide possible ; comme animatrice aujourd’hui, je peux mettre au service des participants quelques éléments de méthode pour donner à un projet d’enquête littéraire une structure solide, pour étayer la fiction autant que la réalité.
L’enquête, qui est parfois au cœur d’un livre autobiographique et l’enquête policière sont deux genres différents, pourtant, ils procèdent tous deux de la tentative d’élucidation d’un mystère. Quel parallèle pouvez-vous tracer entre ces deux genres littéraires ?
Le parallèle, ce sont les questions que l’on pose, que l’on se pose. Cependant le polar est un genre très exigeant, avec ses codes, ses règles d’or, son obligation de résultat. La pratique de l’enquête littéraire ne vise pas forcément à résoudre un mystère mais à explorer des questions en suspens, à rassembler les matériaux qui donnent corps et saveur à un texte, à « écrire vrai », charnel, documenté, vivant. Cela permet d’écrire aussi bien du côté des souvenirs de famille que de périodes historiques, de questions sociales, de pays lointains…
On enquête déjà pour savoir sur quoi on a envie d’écrire
Quels types d’outils d’enquête allez-vous utiliser pour faire surgir l’histoire ?
On enquête déjà pour savoir sur quoi on a envie d’écrire… Car le stage d’initiation déploie des propositions du côté de l’histoire universelle autant que de la mémoire personnelle, afin que les participants cernent l’objet de leur enquête, l’enrichissent, le déplacent éventuellement et prennent la mesure des recherches qui seront nécessaires. Les outils proprement dits, entretien, reportage, croisement des sources, questions autour du point de vue, de l’équilibre entre fiction et réalité, seront abordés au cours du cycle d’approfondissement, « Enquêter pour écrire », du 24 janvier au 15 juin, au service du projet de chaque personne.
Quels auteurs vous seront particulièrement utiles pour développer ce stage ?
Du côté de la réalité sociale, une grande plume comme Florence Aubenas, bien sûr, ou Yves Pagès à propos du travail ; pour incarner un sujet de société, je pense à Svetlana Alexievitch ; pour les secrets de famille, à Claudie Gallay ; pour un voyage dans le temps, à l’écrivain ukrainien Andrei Kourkov ; pour l’uchronie, à Éric-Emmanuel Schmitt ; pour un personnage historique, à Régis Jauffret ; pour les souvenirs personnels, à Annie Ernaux…
Peut-on assister à ce stage sans avoir un projet de fiction préalable ?
Certainement : le stage est conçu pour faire émerger le projet de chaque participant autant que pour l’enrichir et l’étayer.
Quel est votre roman d’enquête préféré, ou de romans où l’enquête mène le récit ?
J’ai été très impressionnée par la lecture d’Enfant de salaud, de Sorj Chalandon, par la façon dont il tisse son histoire personnelle, sa quête du côté du passé de son père, avec le procès de Klaus Barbie. J’ai aussi un coup de cœur pour Le Turquetto, de Metin Arditi ou pour Titus n’aimait pas Bérénice, de Nathalie Azoulay, qui enquête sur la façon dont Racine composait ses tragédies… Les sujets ne manquent pas !
DP
Pour en savoir plus sur ce stage, c’est ici.