« Au secours », Anne Serre (Champ Vallon), par Pierre Ahnne

Pierre Ahnne est écrivain et a créé un blog littéraire. Il réalise des lectures-diagnostic sur les manuscrits qui lui sont confiés et partage chaque mois un de ses articles sur L’Inventoire.

Dans l‘entretien accordé au blog de Pierre Ahnne en 2017, Anne Serre disait, parlant de ce qu’elle écrit : « C’est un peu comme si j’étais sur une île et que j’envoyais des signaux dont j’espère qu’ils vont être perçus depuis le continent ».

Dans ce roman, publié une première fois chez le même éditeur en 1998, la comparaison était déjà là, prise au pied de la lettre. La narratrice a acheté, sur un lac, une île, où elle vit seule dans une grande maison blanche. Quand elle reçoit un appel « au secours » d’une amie, Paula, qui veut la voir d’urgence, elle traîne et remet à plus tard (« Il semble que de nombreux éléments s’opposent pour le moment à mon départ »). Mais, comme toutes les îles, celle-ci est un peu mystérieuse… Des présences inexplicables finissent par chasser notre héroïne de chez elle et par la lancer sur les traces de Paula, peut-être entre-temps partie en Italie. Celle qui nous parle erre un moment par la campagne, ou dans ces « petites bourgades tristes et laides » qu’elle avoue affectionner. Puis elle rentre chez elle. Un des personnages à éclipses qui la hantent déclare ex abrupto être sa mère, ce qui la surprend. Elle repart, revient, la « mère » meurt, le récit s’achève. Paula est toujours loin.

Entre l’île et l’errance

Ce résumé pour suggérer l’inanité de tout résumé d’un tel texte, et la tension à partir de laquelle il se construit, entre île et monde extérieur. D’un côté un espace immobile et fermé, de l’autre l’ouverture, le mouvement, le voyage sans but. On peut prêter à cette opposition bien des significations métaphoriques, et la narratrice, songeant à son existence, s’interroge : « En vivant seule sur une île est-ce que je me prive d’expériences nécessaires – partager ma vie, par exemple, être mère moi-même… ? ».

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