Anne Pitteloud est journaliste, critique littéraire, auteure notamment du recueil de nouvelles « En plein vol » (Ed. D’autre part) et de l’ouvrage critique « Catherine Safonoff. Réinventer l’île » (Ed. Zoé). Souhaitant étendre ses compétences à l’animation d’ateliers d’écriture, elle a suivi la Formation de Formateurs animateurs à Aleph. Elle anime régulièrement des cycles d’ateliers et revenait l’an passé sur son parcours dans le domaine de l’écrit. Un nouveau cycle de « Formation de base de formateur d’ateliers d’écriture » démarrera le 1er novembre 2023 et le 15 janvier 2024.
L’Inventoire : Journaliste et responsable des pages littéraires du journal Le Courrier, quand dans votre parcours avez-vous eu l’idée d’animer des ateliers d’écriture ?
Anne Pitteloud : En tant que lectrice professionnelle, mon travail est d’écrire sur les textes des autres, mais cela fait plusieurs années que j’ai envie de donner davantage de place à la création et à ma propre écriture de fiction. Ce n’est pas facile, avec ce métier prenant. Le premier confinement m’a permis de suivre des ateliers d’écriture à distance, et l’idée d’en animer moi-même s’est peu à peu précisée. Écrire et animer sont pour moi liés, une activité nourrit l’autre, la stimule. Je n’ai jamais autant écrit que lors de cette formation à l’animation.
Le premier confinement m’a permis de suivre des ateliers d’écriture à distance, et l’idée d’en animer moi-même s’est peu à peu précisée.
Est-ce un choix en relation avec l’envie d’exercer un autre métier d’écriture, en contact direct avec les autres ?
Oui, tout à fait. J’adore dialoguer autour des textes, être surprise par ce qu’ont écrit les participants, partager des questions, des envies, des doutes, la petite « fabrique » de l’écriture. Ce choix est aussi lié à l’envie d’explorer des territoires d’écriture plus variés et plus libres que l’écriture critique, même si cette dernière est aussi un formidable exercice de style qui m’a beaucoup apporté.
La formation m’a offert des outils précieux pour construire une séance et inventer des propositions d’écriture adaptées à différents contextes.
Qu’est-ce que la formation de formateur-animateur d’atelier d’écriture vous a permis de découvrir ?
Elle m’a offert des outils précieux pour construire une séance et inventer des propositions d’écriture adaptées à différents contextes. C’est une très belle formation qui explore aussi notre relation intime à la lecture et à l’écriture, les raisons pour lesquelles nous avons envie d’écrire et de faire écrire (et aussi ce qui nous bloque, éventuellement). Cette dimension permet d’intégrer vraiment ces outils pour les utiliser de manière créative et personnelle, ce qui donne confiance en soi. Je suivrai sans doute le module « conduite de groupes » l’année prochaine.
C’est une très belle formation qui explore aussi notre relation intime à la lecture et à l’écriture, les raisons pour lesquelles nous avons envie d’écrire et de faire écrire
Votre prochain atelier, annoncé dans Nota (magazine des bibliothèques de la Ville de Genève) s’inscrit dans la thématique Pop cultures de la saison culturelle 2022 des bibliothèques. Définie par le philosophe Richard Mèmeteau, la pop culture fonctionne par réappropriation (d’un genre, d’une culture passée). Est-ce que vous proposez en 7 séances sur le thème « Mauvais genre » ?
Oui, l’idée est de se frotter à différents « mauvais genres » – certains sont restés plus « mauvais » que d’autres qui ont largement rejoint la « bonne littérature », comme le polar ou la science-fiction. L’idée est d’aboutir à une scène qui s’approprie (ou détourne) les codes de ces genres. Outre la SF et le polar, nous explorerons notamment le roman à l’eau de rose, le roman-photo, le fantastique, le gore, etc. Les ateliers sont ouverts à tous les publics. Le premier, autour du polar, a eu lieu le 6 février et tous les participants ont livré une scène pleine de tension, même ceux et celles qui n’avaient jamais participé à un atelier. C’était assez magique. L’ensemble des textes sera publié soit en plaquette soit sur le site des bibliothèques, et sans doute lus lors d’une soirée en décembre.
Pensez-vous que le mauvais genre comme le mauvais goût est le meilleur genre ? (selon Andy Warhol « le mauvais goût est de bon goût » : Bad taste is good taste).
Il révèle en tous cas souvent les dessous d’un monde policé et répond à un besoin. Que ce soit le roman noir qui explore les bas-fonds et les dysfonctionnements de la société, la SF qui interroge ses inquiétudes existentielles et ses dérives, le fantastique qui plonge dans nos angoisses inconscientes ou le roman rose qui permet de rêver une autre vie. Certains genres sont plus standardisés que d’autres, mais il me semble que leur succès interroge aussi la frontière entre stéréotypes et archétypes.
Quel est votre genre préféré ?
Côté mauvais genres, j’apprécie avant tout le roman noir et la science-fiction. Mais je suis surtout une lectrice de littérature « blanche », et c’est aussi ce que j’écris.
DP
Crédits photographiques : Yvonne Böhler pour le portrait d’Isabelle Pitteloud. Reproduction Detective Novel Magazine, juillet 1934. Illustration de Harry L. Parkhursf. Creative Commons (CC)