Marraine des Assises de la biographie organisées par Aleph-Ecriture, Anne Berest a évoqué le 21 mars 2025 le point de départ de son dernier roman, une carte postale reçue en janvier 2003 et au dos de laquelle sont écrits quatre prénoms. Interroger les êtres, tresser leur histoire dans la grande histoire, comprendre les lignes de forces qui traversent les vies vécues, Anne Berest le fait depuis longtemps puisque, dans une autre vie, elle a été biographe. Mais comment enquête-t-on en vue d’écrire un roman basé sur des sources familiales ?
Tout part de cette carte postale reçue en janvier 2003, portant les prénoms que sa mère reconnait comme étant ceux de ses grands-parents, de son oncle et sa tante, déportés et morts en 1942. Des années plus tard, à la suite d’une question de sa fille, Anne Berest ressort la carte postale anonyme d’un tiroir, et décide d’élucider le mystère de ce courrier.
Alors qu’elle entame des recherches qui s’étaleront sur plusieurs années pour retracer la trajectoire de ses aïeuls, elle va décider d’écrire un roman. Mais dit-elle : « contrairement à un auteur de roman policier, je ne sais pas s’il va y avoir une fin à mon enquête. » Ses pérégrinations vont notamment l’emmener à questionner les habitants du village où ses grands-parents ont été arrêtés. Dans le livre, cette scène se déroule sur une matinée, mais dans la réalité, il aura fallu plusieurs déplacements au fil des années pour collecter les informations auprès des témoins.
Mener l’enquête et effectuer des recherches, cela fait partie du travail du romancier. Mais tel quel, le matériau accumulé ne fait pas roman. Il faut ensuite mettre l’enquête en récit, raconter une histoire. Pour cela, l’autrice conserve les moments les plus saillants.
Comme romancière, elle considère être une brodeuse. Toutes les perles sont vraies, mais elle les brode à sa façon pour que le roman puisse se lire agréablement. « J’écris des romans vrais », explique-elle. Ce sont des romans, c’est de la fiction, mais tout est vrai. » La carte postale, prix Renaudot des Lycéens, fait partie d’un cycle d’écriture entamé avec son livre Sagan 54.
Si Anne Berest éclaircit les mystères de sa famille dans plusieurs de ses livres, d’autres auteurs mènent des enquêtes qui n’ont rien à voir avec leur vies. Dans son roman La serpe, prix Femina en 2017, on suit Philippe Jaenada sur la route du Périgord. Il se rend sur le lieu d’un crime sordide perpétré en 1941 qu’il veut élucider. L’auteur sait mettre en scène son enquête, tout en nous laissant croire que nous sommes témoins de ses recherches, il sème habilement des indices et nous emmène sur des fausses pistes jusqu’au dénouement.
Qu’on enquête sur soi ou sur les autres, le matériau collecté trace une route qui ne demande qu’à être écrite. Au bout du voyage, la surprise, la fiction, l’élucidation d’un mystère. Parfois tout à la fois.
Camille Berta
Sur ce thème de la fiction documentaire, découvrez la VIIème Conférence Pédagogique internationale de l’EACWP (Association Européenne des Programmes d’Écriture Créative) qui se tiendra du 15 au 17 mai 2025 à Paris. Elle pour thème : Écrire et faire écrire dans le monde réel.
Sources : Assises de la biographie organisées par Aleph-Ecriture dont Anne Berest était la marraine – 21 mars 2025
La Grande Librairie – 5 avril 2023
Camille Berta aime aller à la rencontre de différents publics pour les accompagner sur la voie de l’écriture. Elle anime notamment des ateliers d’écriture littéraire à l’Université et des ateliers à distance dans le cadre de l’Alliance française…
Sensible à l’art et à la photographie, elle aime utiliser l’image pour engager l’écriture. Toutes ses formations ici