Sur une proposition d’écriture de Sylvette Labat à partir du roman de Pierric Bailly « La Foudre » (P.O.L, 2023), ce texte figure parmi les huit sélectionnés.
Régine Zeidan
À l’état de cristal.
Je sentis un poids léger, vous savez cette sensation d’être observée.
Et nos regards se croisèrent l’espace d’un cillement.
Je n’eus alors plus qu’une envie, celle de l’avoir tout près de moi.
Puis mon amie, repérant le manège du garçon, avait affiché des sourires de connivence.
Il se présenta à notre table.
La cacophonie dans le pub nous forçait à parler haut, la nappe que formait la fumée des cigarettes floutait à merveille nos visages.
Je le trouvai beau.
Son pantalon de velours côtelé difforme, ses mains, ses gestes, sa voix grave aux accents de chocolat qui savait tout, qui avait tout vu, tout me plut.
Il avait un regard marron, chaud, qui enveloppait comme une soie légère.
Il avait une manière de me regarder qui me fit croire que j’étais la plus belle.
Je trépignais, je ne savais comment l’avoir tout à moi.
Sans doute l’avait-t-il deviné car il s’appliqua à flatter mon amie, à rire de ses réparties.
Je me retrouvai prise dans une sensation d’abandon.
Je le détestai alors, je lui en voulus et je me souviens que le reste de la soirée nous nous mimes à nous chamailler comme chien et chat.
Il s’amusait.
Il était fort dans l’art de vous mettre dos au mur, puis, de vous livrer immédiatement après un rire éclatant de fraîcheur.
Nous nous revîmes quelques fois.
Insaisissable, je le voyais à l’affût d’un regard féminin comme d’une opportunité.
Je pense à lui chaque jour, à chaque moment important de ma vie…
Sans jamais le revoir ni le sentir ni le toucher, je vis avec cet homme.
R.Z.