Le point final du manuscrit posé, une nouvelle étape s’impose à l’auteur : trouver un éditeur pour son texte. L’écrivain se sent souvent démuni. Comment sélectionner et contacter les éditeurs ? Sous quelle forme envoyer son manuscrit ?
L’Inventoire est allé poser quelques questions à François Terrier, ancien journaliste et éditeur, sur les meilleures façons de présenter son manuscrit aux éditeurs.
Quel est votre parcours professionnel et votre rapport à l’écriture ?
François Terrier : Je viens de la presse écrite, j’ai commencé ma carrière comme journaliste-enquêteur. Devenu éditeur, j’ai publié des livres d’enquêtes, des guides pratiques et quelques romans.
Je nourris depuis toujours une passion pour l’écriture, passion qui m’avait poussé à choisir le métier de journaliste. J’ai d’ailleurs écrit quatre livres, un roman et trois titres d’enquête journalistique.
Aujourd’hui, je suis formateur-consultant, spécialiste de l’écriture professionnelle. Je pratique toujours l’écriture, notamment pour Internet.
Comment et pourquoi en êtes-vous venu à proposer des formations autour du manuscrit ?
FT : Devenu formateur professionnel, je m’étais aperçu qu’il existait peu de formations sur la préparation au manuscrit. Mon métier précédent d’éditeur m’avait permis d’identifier une demande du public à ce sujet. J’ai donc contacté Aleph-Écriture pour proposer un atelier sur le sujet. Nous avons pu constater que cela répond à un besoin puisque l’an passé, l’atelier était complet et nous l’avons reconduit cette année.
Comment sait-on qu’un texte est terminé, qu’il faut cesser de le retoucher et envisager sa publication ?
FT : J’évoque cela en début d’atelier. Il arrive un moment où on doit s’arrêter car un manuscrit peut se poursuivre indéfiniment. L’auteur n’est jamais vraiment satisfait, il souhaite toujours changer un mot. Je conseille de s’imposer un planning, avec une échéance.
Est-il facile pour un auteur inconnu d’être publié en envoyant juste son manuscrit par la Poste ?
FT : Pour un auteur inconnu ne bénéficiant pas d’un réseau, il est plus compliqué d’être édité. Quand un éditeur reçoit un texte, il regarde aussi le potentiel de ventes.
Ce potentiel est défini par la qualité du manuscrit, par la personnalité et le réseau de l’auteur. L’éditeur se pose des questions sur l’auteur : a-t-il déjà publié ? quel est son réseau ? possède-t-il des relations dans la presse ? bénéficie-t-il d’une certaine notoriété (utile pour la promotion) ? est-il charismatique, a-t-il un côté déjanté comme Amélie Nothomb ou Houellebecq ?
Je n’affirme pas qu’il est impossible pour un auteur inconnu d’être publié, juste que ça n’est pas facile.
Pour un premier roman, à quel type de maisons d’édition est-il préférable de s’adresser ?
FT : Pour un premier roman, si l’auteur n’est pas connu et n’a pas de réseau, il va être difficile d’être publié dans de grandes maisons d’édition.
Un manuscrit envoyé dans une petite maison d’édition (qui reçoit 20 à 30 manuscrits) a plus de chance d’être publié que chez Grasset, Actes-Sud, Flammarion ou Gallimard qui en reçoivent des milliers.
Un petit éditeur a besoin de publier régulièrement pour exister. Si cet éditeur publie seulement 2 à 3 titres par mois, il va se donner les moyens de valoriser le livre, d’en assurer la promotion.
Dans une grande maison d’édition, si vous êtes un des 50 livres qui paraissent dans le mois, l’éditeur risque de moins s’occuper de votre titre. Je schématise bien sûr, il existe toujours des contre-exemples.
Trouver un éditeur pour un premier manuscrit est souvent difficile, abordez-vous l’autoédition dans votre atelier ?
FT : Au début de l’atelier, nous travaillons beaucoup sur l’édition traditionnelle qui est au départ l’objectif commun à tous. Puis nous définissons l’objectif de chacun, à savoir, pourquoi souhaite-t-il publier son manuscrit ?
Les motivations pour être édité chez un éditeur traditionnel sont multiples : la volonté de laisser une trace, le plaisir d’avoir publié un livre, gagner de l’argent, etc.
A un moment de l’atelier, je leur présente une autre possibilité. Un auteur n’ayant pas trouvé un éditeur traditionnel peut envisager l’autoédition. C’est également un moyen d‘exister.
Les éditeurs lisent-t-il tous les manuscrits qu’ils reçoivent ?
FT : Si le manuscrit arrive par la poste ou par mail, l’éditeur commence par lire la lettre d’accompagnement. Il essaye de comprendre qui est l’auteur et quelle peut être l’originalité de son manuscrit. Ensuite, il jette un œil sur le texte et se forge très rapidement une opinion. Bien souvent, un survol des 30 premières pages lui suffit.
Normalement l’éditeur parcourt chaque manuscrit. Il ne veut surtout pas passer à côté de la perle rare. Certaines maisons d’édition, comme Gallimard, reçoivent plus de 5 000 manuscrits par an et doivent aller très vite dans leur lecture
Vous évoquez la lettre d’accompagnement au manuscrit. Dans votre atelier, travaillez-vous également sur cette lettre?
FT : Oui, c’est essentiel car il s’agir du premier contact avec l’éditeur, un peu comme une lettre de motivation, l’auteur doit séduire.
Durant l’atelier nous réalisons un travail individuel sur cette lettre d’accompagnement. Je propose donc aux participants de travailler sur leur originalité, sur l’angle particulier de leur livre, etc.
Cette lettre est-elle aussi importante que le manuscrit ?
FT : Non, mais elle permet à l’auteur d’essayer de piquer la curiosité de l’éditeur. Quand j’étais éditeur et que je recevais une lettre sortant de l’ordinaire, j’étais tenté de jeter un œil plus approfondi au manuscrit.
Il est donc très important de savoir bien présenter son manuscrit ?
FT : Par expérience, je sais que la présentation du manuscrit est déterminante, notamment son aspect visuel. Un manuscrit bien présenté donne plus envie de lire, d’être plus attentif que lorsque l’éditeur doit décrypter ou lire des caractères trop petits.
Par exemple, un manuscrit avec une certaine marge, un interlignage assez important permet de prendre des annotations, d’avoir des repères et donc de mieux entrer dans le texte.
L’autoédition peut donc être une solution pour publier un premier livre ?
FT : Oui, comme je vous l’expliquais, il s’agit d’un moyen d’exister. Cela peut également être un moyen de se faire remarquer par un éditeur si le livre autoédité rencontre le succès.
Aujourd’hui, il existe plusieurs types d’autoédition, papier ou numérique, ou même les deux. L’auteur peut opter pour l’imprimeur traditionnel bien sûr mais également pour une plateforme en ligne. Dans l’atelier, je leur présente toutes les pistes.
Maintenant, je mets en garde les auteurs sur les différences entre un éditeur traditionnel et l’autoédition. Ce sera à eux de tout gérer. Pour les éditions papier, ils devront convaincre les libraires de référencer leur ouvrage, gérer les dépôts, organiser les signatures, etc.
Concernant le numérique, les plateformes vous expliquent que vous serez référencés sur leur site. Cependant, elles ne vous expliquent pas comment le lecteur potentiel fera pour trouver votre bouquin parmi les 4 000 présents sur site.
Ces dernières années, les plateformes en ligne comme Édilivre, Iggybook ou Librinova se sont développées et proposent des solutions d’autoédition. Pensez-vous qu’elles vont s’installer durablement dans le paysage éditorial français?
FT : L’autoédition est un choix, elle implique que l’auteur sache faire la promotion qui dans l’édition traditionnelle relève du travail de l’éditeur.
D’après les chiffres du SNE, pour la fiction, un manuscrit sur cent est publié par une maison d’édition. Vous imaginez la frustration des 99 autres ? L’autoédition est donc un moyen de satisfaire ces attentes. Donc, oui je suis persuadé que ces plateformes vont se développer.
Qui sont les personnes qui suivent vos ateliers ?
FT : Les profils sont assez différents : certains n’ont pas terminés leur manuscrit, d’autres sont en cours de relecture et certains sont prêts, mais ils ne savent pas comment faire ensuite.
Pour les types de livres concernés, certains travaillent sur un manuscrit de roman, d’autre sur de la poésie ou bien encore des enquêtes.
L’atelier s’adresse en fait à tous ceux qui ont un manuscrit en cours ou terminé et qui souhaitent le publier.
Pourquoi suivre l’atelier Présenter son manuscrit aux éditeurs ?
FT : La première partie de cet atelier permet de découvrir l’envers du décor.
Un livre coûte cher, un potentiel de vente doit être identifié par l’éditeur pour qu’il ait envie de publier un titre. J’explique donc aux participants comment se répartit l’argent par rapport au prix public d’un livre ; comment fonctionne une maison d’édition, la diffusion et la distribution d’un livre.
Connaître les coulisses permet de se donner les meilleures chances de séduire un éditeur, de savoir adapter sa lettre d’accompagnement et la présentation de son manuscrit. J’explique donc comment présenter la lettre et le manuscrit de manière professionnelle et attractive pour l’éditeur.
Durant la troisième partie, j’aborde l’autoédition qui, comme je vous l’ai expliqué peut être une alternative, selon les projets, à l’édition traditionnelle.
Avez-vous une anecdote sur l’atelier ou les manuscrits à raconter ?
FT : L’an passé treize personnes ont suivi l’atelier. Je suis resté en contact avec certaines et deux m’ont annoncées qu’elles allaient être éditées dans l’année. L’une chez un éditeur traditionnel et l’autre a choisi la voie de l’autoédition.
Nous avons évoqué la difficulté à se faire éditer, alors qu’au moins deux participants sur treize y parviennent est une sacrée satisfaction !
François Terrier animera l’atelier Présenter son manuscrit aux éditeurs, du 28 au 30 juin 2017 à Paris, dans les locaux d’Aleph-Écriture. En savoir plus.
Propos recueillis par Nathalie Hegron