Hélène Massip vous a proposé d’écrire à partir du récit d’Erri De Luca : Le tort du soldat (Gallimard, 2014). Voici les deux textes sélectionnés, aujourd’hui celui de Régine Zeidan.
La fragilité
Le grelot tinta.
Une femme, emmitouflée dans un lainage sombre, s’essuyait les pieds, baissant la tête. Elle referma la porte, frisson du grelot, leva les yeux.
Bonjour !
Un col roulé mangeait sa figure. Elle s’approcha. Ses yeux bleus me fixèrent, je cherchai à déterminer son âge.
Débarrassant son visage du vêtement, elle me demanda un timbre. Je la trouvai jolie, une ombre rosée posée sur ses joues… Elle ôta son gant. J’aimai son geste tremblant. Du bonnet s’échappait une mèche rousse qui me charma aussitôt. Elle fouilla dans un sac plastique… Il faudrait que cette lettre parte aujourd’hui ! Qu’elle arrive vite ! Avez-vous l’affranchissement qui convient ? Dans son regard, dansaient tour à tour l’affolement et l’exigence. Son front se froissa.
Je ne l’avais jamais vue ici. Son inquiétude agacée piquait ma curiosité. Elle poussa vers moi une enveloppe beige, me demanda où poster le courrier… Près du bar Les Amis, vous connaissez ? Il y a une boîte aux lettres. Zuydcoote est si étrangère !… J’entendis des larmes dans sa voix. Elle continua… Je suis venue m’y reposer et au lieu de cela je cherche des synonymes aux fruits de mer ! Ses lèvres tremblèrent. Allait-elle pleurer ?
Elle rajusta son bonnet, son col et paya. Je rangeais la monnaie quand elle sortit comme une bourrasque.
Oubliant l’enveloppe que je soupesai… Je la trouvai lourde…
L’inconnue m’offrait pour tout parfum son écriture ronde et violette. Je collai le timbre aux reflets verts, un cèdre surplombant la mer…
R. Z.