Cette semaine nous avons sélectionné cinq textes en réponse à la proposition d’écriture à retrouver ici à partir du roman de Claudie Hunzinger « La langue des oiseaux » (Grasset, 2014). Voici celui de Christine Gastaldo
Quechua
J’étais assise dans cette salle d’attente du bout du monde qui se remplissait et se vidait à une fréquence régulière. Ici, pas de tableaux cliquetants pour annoncer les arrivées et les départs mais des crieurs qui arpentaient les alentours pour informer les voyageurs.
Elle aussi attendait dans l’espace le plus calme de la salle. Un enfant jouait sagement devant les nombreux paquets et baluchons qu’elle avait entassés près d’elle. Un autre dormait paisiblement sur ses genoux. Elle était belle et portait un costume traditionnel. A la coiffe et aux broderies de son corsage, j’en déduisis qu’elle venait du Nord de l’Equateur, une région des Andes très montagneuse. Elle levait parfois les yeux de son livre pour surveiller l’enfant, et c’est sans doute ce qui fit que je la remarquai car c’était assez insolite de voir dans ce pays, une lectrice dans un espace public.
Nos regards se croisèrent et nous échangeâmes quelques propos d’abord anodins. En confiance et sachant sans doute que l’attente serait longue nous en vînmes à des propos plus personnels : elle allait à la capitale chercher son frère pour le conduire au village. Elle était professeur de quechua, langue impériale du royaume du Pérou et me conta la légende de Inti le fils du soleil et de sa femme, déesse de la terre Pachamama.
Le soir tombait. Enfin, notre bus arriva et je l’aidai à s’installer. Je pris le bébé sur mes genoux. Ses cheveux étaient épais et noirs, les yeux légèrement bridés, le teint mat. Il était vêtu d’un poncho de laine rêche, rayé rouge et bleu et dégageait une forte odeur de feu de bois. Je n’osais bouger de peur de le réveiller et je le contemplais attendrie. La route zigzaguait, la lune était claire.
Je réalisai alors que c’était un petit prince inca que je serrais contre mon cœur.
C.G.