Cette semaine Alain André vous propose d’écrire à partir du roman de Patrick Deville « Peste et choléra », (Seuil, 2012). Envoyez-nous vos textes jusqu’au 8 juin à atelierouvert@inventoire.com.
1. L’extrait
« Allongé dans l’eau chaude, le fantôme du futur allume une cigarette et entend le vent balayer les arbres du parc. Sept milliards d’hommes peuplent aujourd’hui la planète. Quand c’était moins de deux, au début du vingtième siècle. On peut estimer qu’au total quatre-vingts milliards d’humains vécurent et moururent depuis l’apparition d’homo sapiens. C’est peu. Le calcul est simple : si chacun d’entre nous écrivait ne serait-ce que dix Vies au cours de la sienne aucune ne serait oubliée. Aucune ne serait effacée. Chacune atteindrait à la postérité, et ce serait justice.»
2. Ma suggestion
Le roman de Patrick Deville (Peste et choléra, Seuil, 2012) procède de la biographie d’Alexandre Yersin, élève de Pasteur et inventeur du bacille de la peste (Yersina pestis). Ce passage, situé page 91, m’a arrêté – comme beaucoup d’autres. Ici, le biographe ou « fantôme du futur » fait une pause mélancolique et songe. La biographie met alors en abîme l’entreprise biographique. Et si nous participions à l’entreprise fantasmatique du biographe ? Et si, vous aussi, vous commenciez à sauver des vies en les écrivant ? Si ce devait être une seule : laquelle ? Et si vous nous l’envoyiez ? En un seul feuillet de 1500 signes, bien sûr.
3. Lecture
Grand voyageur, esprit cosmopolite, l’auteur, né en 1957, dirige la Maison des Écrivains Étrangers et Traducteurs (MEET) de Saint-Nazaire. Son œuvre est traduite en dix langues. Elle compte notamment cinq romans publiés chez Minuit de 1987 à 2000 et quatre autres publiés au Seuil (Pura vida, 2004, La Tentation des armes à feu, 2006, Équatoria, 2009 et Kampuchéa, 2011). Peste & choléra, prix Fémina 2012, est remarquable par la brièveté, le sens de la formule, la densité, le sens de la mise en perspective historique comme du détail sensible et par une composition au scalpel. Il pouvait sans difficulté recevoir le Goncourt en prime.