Voici un texte très poétique en réponse à la consigne d’écriture de Sylvie Néron-Bancel (ici) à partir d’Alessandro Baricco « Mr Gwyn » (Galimard, 2014).
Manon Drique
Le soulagement des yeux qui ne peuvent s’affronter, côte à côte chacun regarde seulement la route. Elle se fera conduire, les yeux rivés sur le paysage tandis que les souvenirs se bousculeront par dizaine.
Kilomètres qui défilent dans sa tête, les collines, la musique irlandaise, les couchers de soleil qui mettent des larmes plein les yeux, la main dans sa nuque, les arrêts pour aller goûter la mer, la joie grisante. La musique et la route qui défilent.
Elle attrape ses pensées, les secoue de toutes ses forces et repousse la nostalgie qui l’enlace soudainement.
Une centaine de kilomètres durant, il y a la route à avaler et eux deux. C’est la dernière fois, c’est ce qui a été convenu. Les arbres aux couleurs d’automne, la nature et les jolies nuances pour adoucir les regards. Les mots se délient.
C’est ainsi, quand les corps ont l’illusion du mouvement et que les regards cessent de se défier, on peut enfin commencer à chercher les mots. Simplicité, confidences au fil des kilomètres. L’apaisement, surtout. Il y a encore sa main dans la sienne, comme un réconfort.
Il la ramènera chez elle. Ils rembobineront les phrases déliées au même rythme que les kilomètres engloutis dans la nuit. Ils se diront au revoir dans la lumière douce du petit studio avec l’absurdité de toutes ces larmes sur les joues. Marée montante. Il n’y a plus de place pour les mots. Il franchira la porte de l’appartement-abri, il n’y aura alors plus qu’une seule urgence : la musique. Bâtir en hâte une digue de sons. Des solos de piano, pour le calme qu’ils accrochent aux murs.
Manon Drique