Vos textes: à partir du livre de Perrine Le Querrec « Le prénom a été modifié »

6bdc0f7524ffcb8ef8b8934e117181dbVoici le texte de Claire Le Goff, en réponse à une consigne d’écriture d’Alain André (à retrouver ici) à partir du livre de Perrine Le Querrec « Le prénom a été modifié » (Les doigts dans la prose, 2014),

Claire LE GOFF

Six heures du soir

C’est six heures du soir, les enfants à l’étage font leurs devoirs, c’est six heures du soir, elle revient du travail

sans y penser elle marche vers le cellier, dans le renfoncement sous le grand escalier, et elle ouvre la porte

c’est six heures du soir, et elle ouvre la porte

à l’étage on ne respire plus, les souffles sont coupés, à l’affût du cliquetis de bronze, grincement, les pas sur les gravillons, la porte se referme

il est six heures du soir, elle revient du travail, et va dans sa cachette sous le grand escalier

elle ne monte pas dans les chambres, ne vient pas dire bonjour à l’étage, bonsoir les enfants, ne va pas auprès des enfants aider aux devoirs,

jouer dans le bain, faire glisser les canards sur l’eau de la baignoire,

la maison est grande certainement, trop grande, c’est trop haut certainement, l’étage, loin les enfants, et les enfants, ils sont grands, va, ils se débrouillent

le souffle coupé, les enfants se débrouillent

tandis qu’elle va chercher l’oubli, dans la pièce un peu sombre, sous le grand escalier, ils mettent fort la musique, font couler l’eau du bain

ne pas entendre la mère en bas qui fait n’importe quoi

c’était six heures passé le soir où elle est montée, elle a pris l’escalier, gravi les marches lentement certainement

elle s’est appuyée contre le mur, la tapisserie à fleurs, il est possible qu’elle se soit appuyée, pour ne plus tituber certainement, et puis elle s’est jetée

dans l’escalier elle s’est jetée

c’était six heures passé quand on l’a retrouvée, en bas de l’escalier, d’où elle s’était jetée, dont elle était tombée peut-être, peut-être a-t-elle glissé, comment savoir, personne pour la voir, on ne saura jamais

Claire Le Goff – janvier 2015

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