Cette semaine, voici le texte de Manon Drique, écrit à partir de L’homme qui marchait avec moi (La Différence, 2014) de Claude Margat, en réponse à une consigne d’écriture d’Alain André (à retrouver ici).
Une invitation
Il était quelque chose comme 5 heures du matin, le jour se levait doucement et l’été battait son plein. Même la nuit on pouvait garder les épaules nues, puisqu’elle ne dissipait qu’un peu la chaleur omniprésente des journées. Il était l’heure des fins de soirées, l’heure où le jour nous cueille un peu étourdie et nous grise d’un air vif et frais. Il était assis à côté de moi dans le jardin à regarder la robe sombre du monde se retirer. Les coudes appuyés sur les genoux, le corps incliné vers l’avant, pensif, son regard fixait l’espace en face de lui, perdu quelque part ailleurs. Nous ne nous connaissions pas. Il avait évoqué ses études, ce qu’il fit, longuement. J’y avais pressenti quelque chose qui ressemblait à de la mélancolie, alors j’avais cherché. A demi-mot, il a évoqué la musique, les chansons, ses compositions. Les passions qui tenaillent le ventre tandis qu’il fallait finir les études. Il a parlé des envies d’ailleurs, qui fourmillent dans les jambes, des rêves enfouis mais présents.
Alors que le jour s’était levé et que le sommeil malmené s’était rappelé à nous, j’ai fini par rentrer. Je ne savais comment dire ce qu’il me semblait avoir partagé. Je me souviens qu’il m’avait secouée, la mise à nu si spontanée m’avait troublée. Dans ces mains j’ai laissé une adresse mail. Le lendemain, m’attendaient des textes, des poèmes, des chansons écrites. Des mots et quelques mélodies, comme une invitation. Ici résidait l’ébauche de ce que nous tisserions durant l’été et puis au gré des années suivantes. Les mots, la musique et l’amitié cousus les uns aux autres. Depuis les échanges épistolaires jusqu’aux promenades au jardin du Luxembourg la guitare sur les épaules, l’aube de cette soirée était un commencement que je ne puis oublier.
Manon Drique