Valérie Kittler est formatrice en écriture chez Aleph depuis 2018. Elle a publié son premier roman, Traversée, sous le nom de Léa Boisseau. Pour lever le voile sur cette démarche et éclairer ceux qui hésitent à l’adopter, elle a accepté de répondre aux questions de L’Inventoire.
Lucile Métout : Parlez-nous de Traversée.
Une assistante sociale raconte l’histoire d’Ana, qu’elle a rencontrée jeune fille dans le cadre de ses fonctions. Elle est fascinée par ce personnage qui, à la trentaine, se sauve grâce à la danse d’un traumatisme subi dans l’enfance. Il s’agit d’un roman d’apprentissage écrit au je et au tu, faisant alterner des extraits du journal intime de l’assistante sociale et sa narration de la vie d’Ana. Des parcours croisés, différents, mais pas tant…
L’Inventoire : Quelle est la genèse de ce projet ?
J’étais en formation à l’écriture littéraire chez Aleph. Le module en cours portait sur les techniques de base du récit. L’animatrice nous a proposé de travailler à partir d’une image. Il y en avait plusieurs. Notamment cette photo de la danseuse allemande Pina Bausch avec un violon sur la poitrine. Le flyer d’un spectacle, certainement. La première scène de mon livre s’est créée au moment où je l’ai vue.
Toute l’histoire vous est-elle venue ce jour-là ?
Non, juste cette scène et l’une des protagonistes, Ana. Mon intention était de construire un personnage autour du thème de la résilience, car je me suis aperçue qu’il était récurrent dans mes textes d’atelier. Quant à l’univers de la danse, il m’est très familier. Je m’y suis toujours intéressée et j’ai beaucoup pratiqué.
En quoi l’accompagnement d’Aleph vous a-t-il été utile ensuite ?
Chaque fois que c’était possible, dans les modules suivants de la formation, je m’appuyais sur les propositions d’écriture pour écrire une scène de mon livre. J’ai donc fabriqué l’histoire peu à peu, comme un puzzle, et j’ai poursuivi l’assemblage hors atelier. La difficulté était de mettre les pièces dans le bon ordre. Quand mon manuscrit m’a paru achevé, je l’ai soumis à l’écrivain Pierre Ahnne, qui travaille avec Aleph dans le cadre de lectures diagnostiques. Il m’a permis de revoir l’ordonnancement du texte pour le rendre plus pertinent. Le climax arrivait trop tôt…
Pour quelle raison avez-vous écrit sous pseudonyme ?
Parce que l’œuvre est ma priorité. Non pas qui l’a créée, comment ni dans quel univers. Lorsqu’Elena Ferrante a sorti L’Amie prodigieuse en 2011, j’ai été choquée par la traque médiatique qui s’est lancée pour savoir qui était l’autrice de ce premier roman devenu très vite un best-seller. Pourquoi vouloir absolument connaître son identité, son âge, son intimité ? Son livre plaisait, n’était-ce pas suffisant ? Notre société, à mon sens, s’attache toujours trop à la personne ou à son charisme.
Votre présence sur les réseaux sociaux n’entre-t-elle pas en contradiction avec votre besoin de discrétion ?
C’est un paradoxe, en effet. Je passe par ce biais pour faire connaître mon livre. Mais je n’apparais que sous le nom de Léa Boisseau et dans le cadre des événements littéraires auxquels je participe. Je ne cherche pas à me mettre en avant à travers tout ce que je suis ou fais. D’ailleurs, aucun lecteur ne m’a jamais de posé de question sur ma véritable identité.
L’alias n’est-il pas, finalement, une façon de se « cacher » ?
Je ne cherche pas à le faire. Me montrer à visage découvert ne me pose aucun problème. Mais quand je le fais, ce n’est pas juste pour la promotion commerciale de mon livre. Plutôt dans le cadre de petites conférences pour parler d’écriture, la mienne, celle que l’on pratique en atelier, en lien avec mon activité de formatrice qui consiste à faire écrire. Pour autant, je ne me présente pas en tant qu’animatrice Aleph. Je ne veux pas mélanger les genres.
La question de l’« anonymat » est donc bien antérieure à Traversée…
Enfant, je lisais énormément. C’était mon échappatoire. Je voulais déjà être écrivaine. Mais ce n’était pas un métier aux yeux de mes parents. Alors je suis devenue journaliste. Les années ont passé et mon rêve d’écrire un roman ne me quittait pas. J’ai toujours su que ce serait sous un pseudo. À la cinquantaine, je suis entrée chez Aleph avec l’idée de me confronter à ce désir d’écrire. Traversée est arrivé et j’ai choisi de l’autoéditer. Pour moi, l’écriture est destinée à être partagée. C’était une évidence de vouloir être publiée. D’autant que dans ce premier roman, il n’y a absolument rien d’intime.
Propos recueillis par Lucile Métout
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Prochaine séance de dédicace à la librairie « 1000 paresses au Pradet », dans le Var, le 16 novembre de 10h à 12h