« Les allumettes », Cécile Quiniou

Les allumettes

 

Le tabac est encore ouvert

la carotte clignote

j’ai besoin d’allumettes

pour éclairer ma nuit

entrevoir l’invisible

déchirer le grand rideau

ses ombres flottantes

ma vie au dedans

 

Je pousse la porte du magasin

une vieille femme termine de ranger le comptoir

je suis sa dernière cliente

je dis des allumettes s’il vous plaît

une grande boîte

elle me regarde étonnée

comme on regarde un enfant

je n’ai que des briquets

 

J’ai pris celui

à un euro

tiendra t-il jusqu’au matin

d’une flamme qui ne tremble pas

mon doigt se crispe sur la molette

le gaz fuse

une lumière jaillit

dans un halo limité

j’aimerai percer le mystère

de tant d’obscurité

 

Le vent et la pluie se sont mêlés à la partie

tels des amants qui s’aiment et se repoussent

dans un même temps

 

Le briquet s’est affaibli

avant de s’éteindre tout à fait

 

La nuit resserre son étreinte

le froid gagne et transperce

j’ai pensé à toi qui dormais