Bordeaux, bordé de gris
La très vieille dame remue les lèvres,
une moue dit non sans les mots.
C’est le châle qui perce une fenêtre dans sa nuit.
Il sent les souterrains et les méandres.
Il sent les lettres qui s’effilochent
dans les cahiers noircis.
Il sent les hautes herbes de l’enfance
la peau mouillée, l’odeur de vase.
Il sent les tentatives d’amour
les baisers qui aspirent,
les rendez-vous manqués,
les cadeaux décalés.
Il sent les cris
les t’as l’air d’une trainée,
les ne fais pas d’enfants.
Il sent les pleurs
et les peurs qui transpirent.
C’est un châle bordeaux, bordé de gris
pelotonné dans le noir d’un tiroir.
Elle ne connaîtra jamais la fille,
qui a crocheté ces trous et ces fils.
Et voilà qu’elle voit là
des mains si jeunes qui s’affairent.
C’est comme un petit cercle de lumière
qui s’agrandirait, s’agrandirait dans la nuit.