En réponse à notre appel à écriture, « À table », voici un texte et une photo de Brigitte Dujardin
Les œufs à la coque
Plus d’œufs, râle ma frangine dans sa ville normande ! Disparition incongrue des rayons d’alimentation depuis la pandémie, sans œufs à portée de main dans nos placards de cuisine ou frigidaires, comment calmer sa faim ou celle de ses gamins ? La pénurie de cet aliment familier dans la composition des repas salés ou sucrés me rappelle qu’autrefois sur les comptoirs de bistrots, un présentoir de six œufs durs avec en son milieu une salière n’existe plus. Dommage, dans nos virées diurnes ou nocturnes, cela nous rassasiait un bout de temps.
Pour l’heure, je suis privilégiée grâce à la proximité et à la générosité d’amis. Chaque semaine, je suis fournie d’une boite de six œufs extra-frais. Le poulailler de taille réduite abrite trois pondeuses nourries au grain et aux vermisseaux du terrain jouxtant leur maison.
Savourer des œufs à la coque aux mouillettes beurrées, j’en salive d’avance. Attendre l’eau bouillir dans la casserole, poser dedans délicatement les deux œufs bruns, roses ou presque blancs et retourner le sablier. Pendant les trois minutes de cuisson, je prépare les coquetiers dans l’assiette, découpe le pain en tranches, étale le beurre sur la mie. Le temps écoulé, attraper l’un après l’autre l’œuf avec une passoire à thé, les déposer dans leur cocon. Ne pas attendre pour casser la partie haute de la coquille d’un geste vif, le jaune d’œuf apparait recouvert d’une peau fine, juste à point. Avec gourmandise, je trempe la mouillette, ça dégouline jusqu’à ma langue. Racler le blanc de l’œuf avec la cuillère, j’attaque le deuxième pour la même opération. Ce plaisir, je le partage volontiers avec mes petites-filles qui me réclament pendant leurs vacances : Dis mamie, des œufs à la coque aujourd’hui ? C’est moi qui les prépare.
Brigitte Dujardin