Depuis plusieurs années, les séries ont pris une place prépondérante sur les écrans et dans nos vies. Mais comment s’y prend-on pour en concevoir et en écrire?
Du 20 au 24 janvier 2020 à Lyon, et du 9 au 13 mars 2020 à Paris ou du 1er au 5 juin 2020 à Paris, la scénariste Iris Ducorps animera un stage pour s’initier à l’écriture d’une série en cinq jours.
L’Inventoire : Qu’est-ce qui explique selon vous, que 80% des séries télé soient des enquêtes policières (avec au moins 1 meurtre par épisode) ? Pensez-vous que le public a une appétence particulière pour cette thématique ou simplement c’est tout ce qu’on lui propose ?
Iris Ducorps : Je pense que beaucoup de spectateurs (dont je fais partie) apprécient le mystère et le suspens. Mais pas seulement policiers. Un mystère à élucider ou une question qui est posée à un personnage (et donc aussi, à nous) et à laquelle il faut trouver la réponse, c’est captivant ! Que la question soit « Qui a tué X ? » « Pourquoi ces phénomènes étranges arrivent-ils sur cette île ? », « De quelle maladie souffre ce patient ? » ou encore :
« Comment trouver l’amour de sa vie ? », tant qu’on se demande comment va se finir l’histoire et si le mystère initialement annoncé va être résolu, alors on est harponné pour regarder la suite.
Du côté des diffuseurs, je pense qu’ils ont longtemps eu peur qu’une histoire qui ne soit pas policière ne soit pas assez tendue au niveau de la narration, et que du coup le spectateur s’ennuie devant et s’en aille. Mais il me semble que ce « réflexe » à vouloir du polar par peur de perdre du public disparait de plus en plus.
Il est vrai que nos chaînes traditionnelles ont longtemps proposé beaucoup de polars et ont tendance à le faire encore aujourd’hui mais moins. Et regardez les plates-formes ! Je ne me suis jamais amusée à établir le pourcentage de séries polars et de séries non polars qu’elles produisent et diffusent, mais ce qui est sûr, c’est qu’elles proposent des séries de tous genres !
Pourquoi le genre policier (que ce soit en littérature ou en fiction audio-visuelle) marche aussi bien ?
Peut-être parce que c’est un genre particulièrement participatif ? Le spectateur cherche à rassembler le puzzle, se demande lui aussi qui a pu faire le coup, qui ment… comme l’enquêteur. C’est une vraie gymnastique intellectuelle et ludique. Peut-être parce que ce genre met en scène un des tabous absolus de notre société, l’homicide ? Il y a alors un côté cathartique à voir ce drame se jouer devant nous (sans en être la victime) ou même à s’identifier au meurtrier en comprenant ce qui a pu l’amener à commettre un geste aussi radical (sans en être un soi-même)
Comment échapper au formatage des séries ?
En pariant sur l’intelligence et la curiosité des spectateurs.
Nous sommes tous capable de comprendre des narrations simples et linéaires aussi bien que des narrations complexes avec plusieurs niveaux d’intrigues.
Et toutes les appétences pour tous les genres sont dans la nature !
Je considère que notre responsabilité de scénariste est de ne pas sous-estimer le public et de lui faire confiance pour apprécier une ballade hors des sentiers battus narratifs. Mais pour cela, il faut déjà ne pas se censurer nous -mêmes au niveau créatif (ce qui n’est pas toujours évident) et avoir en face de soi des producteurs et des diffuseurs animés de la même volonté d’aller plus loin que les réflexes habituels. Ce qui est parfois le cas et parfois, non.
Existe-t-il une spécificité des séries françaises ?
Ce serait à des scénaristes étrangers de répondre à cette question ! Je peux simplement dire que le métier bénéficie en France d’une visibilité de plus en plus grande ce qui témoigne à mon sens d’une prise de conscience générale (si je puis dire) : sans bonne histoire… pas de bon film et pas de bonne série. En tant que scénariste et spectatrice, je ne peux que m’en réjouir ! Il reste encore cependant beaucoup à faire pour que le métier de scénariste soit reconnu à sa juste valeur. Mais ceci est encore une autre question…
Pouvez-vous nous conseiller quelques sites sur les mini-séries pour aller plus loin?
Pour nourrir réflexion et créativité, j’aime consulter les blogs suivants :
Je suis le blog de Pierre Cerisier (le Monde des séries) et celui de Télérama (Sérierama, le blog de Pierre Langlais) : deux adresses incontournables qui offrent un regard pointu sur la création audiovisuelle. Pour une vision sociétale et philosophique des séries.
J’apprécie aussi Hypnoseries.tv et Critictoo. Dans un registre ludique et participatif, Hypnoseries est une mine d’informations : actualité des séries, news, scoops… On y trouve aussi des critiques de fans, souvent pertinentes. Le site fait preuve d’une belle vitalité et d’une créativité incessante : il propose des animations (quizz en équipe par exemple) et des concours amateurs (Hypnoplume, Hypnodesign), où chaque membre du site peut proposer son concept et son affiche de série…
Critctoo comme son nom l’indique est un site qui se concentre davantage sur… la critique des séries. Épisode du jour, bilan sur une saison complète ou sur une série entière, le site aime donner ses avis, souvent solides et bien argumentés, sur les séries anglo-saxonnes (les plus nombreuses) mais aussi européennes. Le site comporte aussi une section « cinéma » avec des articles axés néanmoins séries. Une manière intéressante de créer un pont entre ces deux mondes fictionnels…
En sites internet, il y a aussi :
https://www.lesinrocks.com/series/ (le blog d’Oliver Joyard https://www.lesinrocks.com/auteur/olivier-joyard/)
https://seriesaddict.fr/ (Red numéro 1 des sorties, américaines surtout)
La rubrique séries des Ecrans terribles : http://www.lesecransterribles.com/category/series
En podcasts :
Un épisode et j’arrête : https://soundcloud.com/unepisodeetjarrete
Monsieur Series and friends : https://podcloud.fr/podcast/monsieur-series-and-friends
Serial Causeurs : https://serialcauseurs.lepodcast.fr/
DP
Scénariste en fiction audiovisuelle. Diplômée de lettres modernes et d’études cinématographiques, formée au scénario au Conservatoire Européen d’Écriture Audiovisuelle. Découvrez toutes les séries écrites par Iris Ducorps ici.