Digression
Ce matin, en allant chercher le pain, j’ai rencontré ma voisine du premier. Je lui ai dit comment ça va ? Elle m’a dit « qu’est-ce que ça peut te faire », je lui ai répondu « c’était juste une formule », elle m’a dit « je trouve que c’est un peu court en matière de conversation. Et pour la peine je ne vais même pas me fendre d’une réponse ». J’ai répondu « c’est ton droit le plus strict. Bonne journée alors ». Elle a lâché « la prochaine fois c’est moi qui te dirai bonjour « et si c’est bonsoir ? », « alors là je ne sais pas, ce sera à pile ou face, salut ». Le pain était trop chaud, je me suis brulé les doigts. J’ai recroisé un voisin qui m’a dit « bonjour, ça va ? » je lui ai dit « j’ai connu des jours meilleurs » il a répondu « moi aussi », et puis « à la prochaine ». J’ai dit « ça m’étonnerait parce que je vais déménager samedi » et je suis partie.
Après quoi je suis allée chercher une lettre recommandée à la Poste mais dans la file d’attente une nouvelle série de timbres sur les peintres impressionnistes a retenu mon attention dans la vitrine. Manifestement nos anciens trésors nationaux tenaient toujours le haut du pavé, et je me suis dit à cette occasion que ça faisait longtemps que je n’avais pas vu de nénuphars, ni été à la campagne, et plus longtemps encore – car c’était bientôt le 1er novembre – n’était allée fleurir la tombe de ma mère, située au milieu des champs. Bien entourée par des étangs profonds et toute une série de plantes aquatiques diverses, parmi lesquelles : le roseau. Autour, il y a des mûres en été, et en hiver, des marmottes blotties dans les sous bois.
Puis je me suis souvenue que je voulais effectuer mon changement d’adresse avant de recroiser ma voisine pour lui épargner d’avoir à tirer à pile ou face l’ordre dans lequel, la prochaine fois que nous nous rencontrerions, nous devrions nous saluer, bien qu’au départ j’aie juste souhaité parler de la digression, raison pour laquelle je m’étais rendue à La Poste pour m’y poser derrière un bureau, écrire et y poster cet article. Je voulais parler de la digression, c’est un fait, mais je m’aperçois que je viens parler de tout autre chose.
J’ai digressé.
DP
Paris, le 8 octobre 2013