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Crédits photographiques: Betweeners

Par Antoinette Bois de Chesne

Il y a celle qui, à la première lecture, s’exclame : « je ne savais pas que ça livrait autant de lire son texte ! »

Il y a celle qui, tout le temps en voudrait plus, plus que l’écriture, plus que l’attention : l’approbation.

Il y a celle qui soudain se lève et part, quitte, sort, échappe au cercle.

Il y a celui qui, au milieu du tempo assemblé de ses mots, dit « c’est important l’écriture », et c’est soudain Pierrot qui regarde la lune.

Il y a celle, qui toujours, ourle ses mots de matières, de couleurs, écrivant main dans la main avec la plasticienne qu’elle est.

Il y a celle qui, dans la rue, affirme que cela, l’écriture, elle l’attendait depuis des années.

Il y a celle qui dit : « je n’ai pas suivi la consigne » avec inquiétude.

Il y a celle qu’on dirait une actrice et qui ignore la puissance de ses textes.

Il y a celle qui est conteuse jusqu’au bout de la langue et qui joue à la marelle comme une enfant dans ses textes.

Il y a celui qui se sent prisonnier de sa gouaille ironique et qui voudrait écrire autrement avec un désarroi dans le regard.

Il y a celle qui emmène son chien à l’atelier et qui passe son temps à le calmer ou à le chercher dans le jardin.

Il y a celle à la gourmette lourde et cliquetante qui parle à mi-voix, brasse ses feuilles et dit ne pouvoir écrire sans avoir d’abord un plan ou un nombre de signes.

Il y a celle qui dit « l’écriture et moi ça fait deux » et qui pleure soudain sans avoir lu son texte.

Il y a ceux dont les yeux brillent quand on dit « d’abord, ici, l’orthographe et la grammaire on s’en fiche ».

Il y a ceux dont on ne connaît que les textes avant de rencontrer les visages.

Il a celle qui, vraiment cet atelier c’était difficile mais finalement ça me travaillait et je l’ai réécrit  et elle offre un texte raccourcit de deux tiers, aboutit et clôt, une merveille d’équilibre.

Et quand soi-même on doit dépasser tout ce brouillard de l’inquiétude pour parvenir au centre, là où ça se tient et ça se fait, dans le temps accordé comme on le dirait d’un piano,
et quand soi-même il y a tellement de curiosité à inventer le chemin proposé qu’on en a le goût d’une chasse aux trésors,
et quand soi-même on ferme la lumière et la porte de la salle et qu’on sent cette drôle de fatigue, un instant totalement essorée, ça vacille et puis, avec le temps, accepter ce passage à vide et savoir que ça passe,
et quand soi-même on décide que face à toute contrainte la seule réponse vivante est l’invention, de l’écriture à l’atelier et des autres à soi.

Antoinette Bois de Chesne est formatrice à Aleph-Écriture, responsable de la région Pays de Loire

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