La cuisine des mots
Qu’ont de commun l’écriture et la cuisine? Peut-être ces deux arts procèdent-t-ils l’un comme l’autre de l’alchimie et du désir de partager. Comme pour la préparation d’un repas, on peut se réunir autour d’une dégustation et imaginer les mots qu’ils nous suggèrent. A moins qu’on n’imagine une recette ? Y a -t-il une recette pour « oser écrire »? La trouver avec vous, c’est le pari de Sylvette Labat, qui nous propose une journée de découverte le 26 janvier « Les mots ont du goût », le samedi 26 janvier à Toulouse.
L’Inventoire : Sylvette Labat, comment vous est venue l’idée de cet atelier ?
Sylvette Labat: Curieusement… J’ai lu récemment « La Papeterie Tsubaki » de Ito Ogawa et j’ai repensé à son autre ouvrage « Le restaurant de l’amour retrouvé ». L’auteure a une façon de concevoir la cuisine et l’écriture en fonction de la personne à qui elle est adressée comme un don, qui me touche beaucoup. C’est délicat et fort à la fois, trivial et spirituel, une forme d’intelligence, un vrai bonheur.
En quoi consiste cette journée « Les mots ont du goût » ?
Elle s’adresse à des personnes qui désirent mettre en mots les plaisirs de la gastronomie.
Le plaisir gourmand est à l’origine d’innombrables textes.
Dire le bonheur de la table dans sa convivialité, plonger dans ses souvenirs pour en rapporter odeurs et saveurs, célébrer un plat, un vin, un produit, jouer avec le vocabulaire poétique de la cuisine, s’inspirer du genre littéraire de la recette.
Au menu, mises en bouche ludiques autour des mots, des termes culinaires, propositions d’écriture plus consistantes, où il sera question de souvenirs, de sensations, de goûts et de dégoûts peut-être, et dégustation des textes produits autour de l’écriture d’une recette adressée.
Quel rôle a pour vous la confection d’un repas ?
Tout dépend des circonstances. Le repas quotidien n’est la plupart du temps ni très recherché, ni objet d’une longue réflexion. Mais un repas de fête ou un repas d’invitation, lui, donne à penser. Élaborer un menu adressé à ses convives, en tenant compte de leurs goûts, de ce qu’ils sont, de la saison. Choisir des mets en harmonie, des boissons pour les accompagner.
Tout est important, de l’art de dresser la table à l’éclairage. Préparer la cuisine, comme une tendresse à venir, un don de soi. La solitude, l’attente, les odeurs, le temps. C’est très important, le temps…
Quel rapport entre les mots et les plats ?
La littérature est une nourriture pour l’esprit, une grosse marmite de mots, une soupe bouillonnante aux arômes variés. Ceux qui la préparent s’appellent Baudelaire, Racine, Balzac mais aussi Pérec, Duras, Simenon, Esquivel.
Et c’est comme au restaurant, tout dépend du cuisinier : parfois on aime et on dévore d’une traite, parfois la première bouchée nous écœure.
Les mots sont comme les mets. Tantôt fins, subtils et délicats, tantôt lourds, amers et plats. Oui, les points communs entre les deux arts foisonnent. En littérature comme en cuisine, l’essentiel n’est-il pas affaire de langue ?
Une image ou une phrase ou une citation pour nous donner envie de rejoindre votre festin ?
« Je voudrais bien réussir aussi bien que vous ce que je vais faire cette nuit, que mon style soit aussi brillant, aussi clair, aussi solide que votre gelée, que mes idées soient aussi savoureuses que vos carottes et aussi nourrissantes et fraîches que votre viande. »
Lettre de Proust à sa cuisinière Céline, 12 juillet 1909
Vous êtes invité à la table des mots, invité à les goûter quand ils sont pimentés, délicats, moelleux, mielleux, craquants mais aussi amers, acides, secs, rances…
Inviter, recevoir et offrir c’est aussi mettre en scène, séduire ou se souvenir.
Quel est le goût des mots pour vous aujourd’hui ?
Changeant, multiple, pimenté, mielleux, âcre comme la violence, puissant comme l’amour.
Sylvette Labat propose pour Aleph-Écriture des ateliers d’écriture à Toulouse : ateliers ponctuels à partir de parutions récentes, modules de la Formation générale à l’écriture littéraire, stages. Elle animera plusieurs journées dans le cadre de « Oser écrire autour d’un thème ». Voir ses prochaines interventions à la médiathèque Les Granges ici.