Pour la rentrée de l’Inventoire, Hélène Massip vous a proposé d’écrire à partir de Je, d’un accident ou d’amour de Loïc Demey (Cheyne Editeur, 2014). Nous avons reçu de nombreux textes, parmi lesquels il a été difficile d’en choisir 11. Nous les publions en deux posts différents, afin de leur donner l’espace dont ils ont besoin pour être lus en toute sérénité.
Anne Coquet
Stéphanie Jarnet
Un et un font un
Hier vide : vide de tout, rempli de rien.
Aujourd’hui comblé : corps et esprit remplis de toi.
Insatiables de toi
Danse au rythme saccadé, ne plus pouvoir ne pas vouloir se détacher.
Mains dans les mains. Yeux dans les yeux
Toi et moi : nous. Tu et je : nous
Nous n’est qu’un
Un précieux. Un éphémère ?
Mon esprit m’échappe
Mes lèvres réclament ta bouche, ne se rassasient pas
Nos corps allongés sont déhanchements
Tour à tour slow, valse, tango, rock’n roll
Le nous sans parole
Le nous se dévore des yeux
Le nous prend feu s’agite
Le nous se devine et se trouve
Le nous … parenthèse… qui se fermera ? Le nous points de suspension ? Le nous sans point final
Pourtant hier
C’était je
C’était tu
Je dans mes pensées obscures
Je qui t’ai refusé la priorité
Mon pare choc avant fracassant le tien. Arrêt sur image. Nos regards se croisant
Je abasourdie
Tu chamboulé, percuté. Tes yeux plongés dans les miens.
Tu prévenant malgré tout. Tes yeux
Tu non agressif. Ta bouche … si douce.
Tu et je devant un café. Ta bouche
Tu et je constat. Tes mains essuient le mascara coulé sur mes joues.
Tu et je aimantés. Ton corps en corps et en corps
S.J.
Cécile Quiniou
Des mots, pourquoi ?
Mes yeux voient,
ma bouche rien.
Ne sort de là,
c’est sans mot, c’est matière, c’est couleur, c’est chaleur
du dedans,
c’est froid dehors
diffuse partout la chair.
respire à coups
à naître une deuxième fois.
Et toi, tu regardes le sol, juste le sol.
Ne les vois pas.
Étoiles dans ma tête
exploser le vide, strier le silence
froissement d’aile
tous ces oiseaux
ciel de plomb.
Quelque chose arrive, le sens,
grand, immense, tout chavirer.
Toi, tu remues le sable, tu creuses des trous.
Fermée ma voix,
langage
trouble du silence
histoire sans mot
vit dans mon ventre,
bouge et remue tant
ma peau tendue sur l’attente qui craque
qui craque
veut sortir, veut savoir
le noir, le blanc
couleurs
ma joie, enfant
comme marcher dans la neige
comme oublier le temps
pas connaître
être là
longtemps
taire les mots
pourquoi ?
Tentent d’approcher
ne peuvent rien contre la vie qui vient
Toi me regardes
trop tard
me dis
« qu’est-ce qu’il y a ? »
réponds : «c’est rien ».
C’est seule, c’est personne
delà de toi, delà de moi, de tout,
vient de nous,
entendre sa voix.
Petit encore
pas encore là
poses ta main sur mon ventre
mystère sans fin.
L’eau pas loin
à flotter le temps
songer ce qui n’est pas
ressac à marée
la mer loin
pas penser
exister à vivre
seulement.
C.Q.
Jocelyne Chaillou-Dubly
Une pierre de travers
Je m’encailloute, genou cramoisi
Je cherche Pierre
Pierre l’intrépide. A peine sait-il marcher qu’il court !
Je crie, je hurle : « Pierre »
L’eau du canal coule à flot
« Pierre !
Pierre !
Pierre ! »
Je fixette les aigus
Oh Non ! Pas le canal !
Je m’encanale, bascule, m’embranche, me démence.
« Pierre !
Pierre
Pierre !
Crapoussin, attends que je t’épingle !
Je ne te laisserai plus. Tu auras la laisse du chien… crapule… brigand … »
Je caboche et l’embrigade
Je l’épreuve et l’enfarouche…
Oh, non ! Pas le canal !
J’obscessionne
J’agrafe le bord
Vacille du bout des doigts
Je méfiance, chasuble et bastingue
NON ! Pas le canal !
Gouffre de silence dans mes artères céramique
Pierre est là tout enfeuillé, bloqué, engrillagé
Je vocifère des ordures
Bazar de syllabes
Je charogne
Pierre fracassé, tête en sac
Je l’épaule
Crâne cramoisi
« Crache fils, crache l’eau »
Je crabache pour rien
Qu’un fétu de corps
Foutue
Foutre vie
J.CD
Fanny Bouyon
Ascenseur yo-yo
L’iris de tes yeux flèche la fleur de mon regard
D’un battement de cils, je ballon au coeur des barbapapa célestes
Tu me pomme d’amour dans cet univers xylophone
Et on baba-arôme dans nos ébats-bonbons
Venue la voici du papillon des mots-son et du soleil.
Tu invisible et je te quête dans les pensées-doudou de mon jardin-coccinelle
Puis à mon tour je disparition avec sur ma chasse au trésor quelques indices sucrés.
Cache-cache malicieux de ton petit toi avec mon petit moi
Nos deux enfants intérieurs se miroir sous le jaune clignotant.
Dans la cours des merveilles ou pays des miracles,
Tu jeu avec mon tutu et moi jeu avec tu, ingénue et pleine de fées
Des fois tu tricherie, des fois pas.
Parfait aussi ta réalité différence l’âme-hyène
Mais je nénuphar et tu acceptation pas à pas
Tel que tu haie et tel que je hêtre, respectueux aimants
Et nous apprentissage l’Inde l’autre
Toi aime moi, moi nous toi, chats d’or siamois
Inséparablement compagnons de voyage
Regard l’oiseau la si sol bobo pestacle
Dépose pétales de rose dorés sur petite bosse qui fait dodo
Eva naissance fa mi ré do
Sur le radeau d’émoi qui passe
Étoile déjà gaga d’être papa
Et nous si enchantés à dos de dromadaire
Sablier, pour bientôt !
F.B.