Cent rêves racontés dans ce recueil dont la singularité tient au processus d’écriture. L’hiver est propice au repli intérieur et à la sieste le week-end. Il était donc à propos que nous évoquions un livre tiré d’histoires ensommeillées, Dream Book, édité en 2012 par les éditions japonaises Gendaikikushitsu, d’après un projet artistique de Marina Abramovic.
En 2014, un exemplaire scellé par l’artiste a été vendu à 14 000 dollars par la maison Christie’s. Voilà qui redonne du poids aux rêves, 100 exactement.
Cent rêves racontés dans ce recueil dont la singularité tient au processus d’écriture.
Présentation
Marina Abramovic est une artiste contemporaine mondialement reconnue. Son visage à l’air résolu et sa lourde natte brune ont pu être aperçus lors de ses performances historiques au Moma, sur les couvertures de plusieurs de ses ouvrages ou dans le documentaire qui lui est consacré, et que nous vous recommandons vivement, The Artist is present. En 2000 elle investit une petite ferme centenaire dans la région de Echigo-Tsumari au Japon, pour en faire le lieu inventif qu’il est encore aujourd’hui et que l’on appelle Dream House. Le projet artistique consiste en une performance dans laquelle le visiteur paie et réserve une nuit pour se concentrer sur deux tâches spécifiques : rêver et écrire. Dans ces pièces au charme traditionnel, le lit est sommaire (sorte de cercueil épuré) et votre réveil accueilli par un livre ouvert à la page de votre futur récit nocturne.
En dix ans, Marina Abramovic et Kenichiro Mogi, chercheur en sciences cognitives co-auteur de Dream Book, ont ainsi collecté 1862 rêves et en ont sélectionné 100. Comme souvent dans les œuvres d’Abramovic il s’agit de questionner l’esprit, de le saisir là où il nous échappe, pour en tirer un art intimiste, profondément humain. L’idée ici est de réévaluer cet état de conscience auquel appartiennent nos nuits oniriques et que la culture moderne ne prend plus le temps d’estimer. Apprécier à nouveau cette ancienne tradition qui consiste à consigner ses rêves au réveil voilà le propos.
Au-delà des récits, le livre présente les images de la maison au sol en tatamis et parois en papier de riz ; une recherche sur la région de Echigo-Tsumari nous dévoile des paysages de rizières en terrasses et collines boisées. Paisible semble être un euphémisme pour décrire l’endroit et l’on se demande si les rêves là-bas n’y seraient pas meilleurs. Avant de nous pousser à vérifier, le livre a le mérite de nous encourager à reproduire cette créativité introspective, terriblement dans l’air du temps, et à la portée de tous.
Julia Garel
Marina Abramovic, Dream Book, Gendaikikushitsu, 2012. Japonais/Anglais