Brigitte Giraud est née en 1960 à Sidi-Bel-Abbès. C’est à partir de l’histoire de ses parents, du moment et du lieu de sa naissance, qu’elle reconstitue le récit d’Antoine, appelé pour l’Algérie alors que sa toute jeune épouse, Lila, est enceinte. Pour ne pas tenir une arme, il demande une formation d’infirmier. Lila prend la décision de rejoindre son époux.
Nous suivons le jeune appelé dans sa découverte du pays, traversons petit à petit avec lui le voile officiel posé sur les « événements » d’Algérie par les autorités françaises. Soldats blessés, escalade des représailles de part et d’autre, attentats : une guerre sans front qui ne dit pas son nom. Le récit, empreint de délicatesse, montre, nomme, avec recul, les faits et les sentiments d’une jeune génération : la vie qui va ou se défait, dans l’Histoire qui s’impose avec brutalité.
J’ai eu envie de lire ce roman pour trouver des traces de ce qu’avaient pu vivre mes propres parents à la même période, quelques années avant ma naissance. Mon père, appelé lui aussi en Algérie, faisait partie du personnel médical. Ma mère l’a rejoint après un drame familial. La lecture du livre ne m’a pas déçue. Tout se déroule à hauteur d’hommes et de femmes. La découverte du pays, la lente compréhension de ce qui se joue sur le terrain d’une guerre que l’on tente de minimiser, la nommant « pacification », « événements ». L’immersion est immédiate, dans la lumière, dans les paysages, dans les questionnements, dans l’effroi, dans la camaraderie, dans la détresse, les déceptions, les abandons, les refuges. Des mots nouveaux, issus de la langue arabe, trouvent place dans la langue de ces jeunes hommes et y resteront. On voit les lignes de faille peu à peu s’agrandir, les camps se nommer, s’opposer. La période porte encore son poids de silence, de désinformation, de déni. Tant reste à entendre, à comprendre, de la vie de ceux qui l’ont traversée.
Hélène Massip
Un loup pour l’homme, Brigitte Giraud, Flammarion, août 2017
A lire : l’entretien avec Brigitte Giraud dans le Matricule des Anges n°188, novembre-décembre 2017