Édition spéciale 2020 !
L’édition spéciale du Marché de la Poésie qui se tiendra du 21 au 25 octobre à Paris, aura comme thème « Pour le livre et la lecture ». Les éditeurs et les poètes seront au centre de cette manifestation qui vise à soutenir un marché fragile, même si la poésie a acquis une nouvelle visibilité pendant la période du confinement. Un.e français.e sur cinq a en effet lu de la poésie au cours des six derniers mois, comme le révèle l’enquête annuelle du CNL sur les français.es et la lecture.
Cette montée en visibilité ne date pas des 6 derniers mois cependant. Au Royaume-Uni, les ventes de livres de poésie ont augmenté de 10% l’an dernier, avec une même tendance aux Etats-Unis. Dopée par le développement d’Instagram où fleurissent les slogans, la poésie a renouvelé son lectorat en rassemblant les 18-24 ans à travers notamment les « instapoets ». Un mouvement dont Rupi Kaur est l’emblème (avec 4 millions d’abonnés). Ses deux premiers livres auto-publiés ont passé 145 semaines dans la «best selling list» du New York Times (source The Stylist).
Cependant, la poésie virale des réseaux sociaux s’ancre dans la réalité des centaines de poèmes parus depuis des décennies. Lus aux fenêtres de l’Europe en mars et avril dernier, proclamés via les messages activistes venus des quatre coins du monde ces dernières années, elle réapparaît partout où des mouvements sociaux et politiques se fédèrent, où les événements frappent et où la parole seule peut recréer du lien. En trois mots ou trois lignes, la poésie a le pouvoir de dire l’essentiel.
La poésie apparait comme un nouveau moyen de saisir les émotions que les bouleversements du monde suscite en nous, le pouvoir de poser des mots sur l’inconnaissable.
Ainsi, pour n’en citer qu’un exemple, le 23 mars le Théâtre de la Ville de Paris lançait ses Consultations poétiques. Imaginées par Emmanuel Demarcy-Mota, Fabrice Melquiot et le collectif artistique, les consultations poétiques se sont adaptées à la situation du confinement. Il suffisait alors pour en obtenir une de s’inscrire sur le site du théâtre. La consultation téléphonique débutait par une première question : « Où êtes-vous ? », puis « Comment allez-vous ? » La discussion engagée permettait de proposer un remède à l’aide d’un poème choisi dans un « Vidal Poétique », lu ou chuchoté à l’oreille. Une prescription poétique pouvait être délivrée à la fin de la consultation.
Ce type d’initiatives a eu lieu en Europe, en Grande-Bretagne, en Inde, et dans bien d’autres pays. Véritable support de parole pour chacun, le poème engage (les « protest poems »), proclame, et réveille. Mais faut-il qu’il y ait encore des maisons d’édition pour continuer à en publier, et des lecteurs prêts à acheter des livres…
« Éditer est un acte de création à part entière ».
Antoine Gallardo. La Boucherie Littéraire.
En illustration de ce propos, citons un extrait de la lettre d’Antoine Gallardo, le fondateur des Editions la Boucherie Littéraire. Il l’a publiée sur son site pendant le confinement à l’attention des poètes qui lui envoient des manuscrits. Il y explique comment il les choisit et rappelle que la poésie n’est pas qu’une affaire d’air du temps :
« Je me méfie de mes états de lectures. Si je suis bien ce que je lirais pourrait l’être et inversement. Je me donne donc le temps de lire des textes dans différents contextes.
Ainsi, une année ou deux peuvent s’écouler avant que je me décide enfin à porter un texte. Car il s’agit bien de ça. Je publie et porte des textes, des textes que les auteurs parfois ne portent pas ou plus, je les présente aux libraires en leur rappelant que la notion de nouveauté n’existe pas en poésie, que les livres publiés sont des ouvrages de fonds. Qu’un texte ait été publié il y a 2 mois, 3 ans ou 5 ans, face aux libraires il est défendu comme s’il avait été publié la veille ».
Pour que la poésie se diffuse, il faut encore des éditeurs pour la porter. Une bonne raison de se rendre au Marché de la poésie, et de découvrir en région toutes les initiatives proposées dans le cadre du Programme du 38e Marché de la Poésie et de sa Périphérie du 30 septembre au 7 novembre 2020.
DP
Pour aller plus loin : à lire également l’appel des petits éditeurs : « Nous sommes en crise«