Par Louise Muller (Aleph-Ecriture Paris)
Le 10ème Symposium de l’EACWP a réuni des animateurs d’ateliers d’écriture provenant de toute l’Europe du 12 au 14 juin 2014. Louise Muller, une des organisatrices de l’événement organisé par Aleph-Ecriture et les Ateliers Elisabeth Bing, livre ici son point de vue personnel sur ces trois jours de rencontre.
Je suis arrivée dans l’association européenne des programmes d’écriture créative (à l’acronyme, propice à l’amnésie, d’EACWP), comme ça, par un heureux hasard. J’y ai trouvé une famille européenne, un sentiment d’appartenance jamais ressenti.
Au détour des échanges, des rencontres de ce vivier incroyable de langues, de cultures et de compétences, de ce qui fait que l’Europe existe, de ce qui tient l’Europe ensemble à l’heure de l’indifférence générale, quelques histoires, quelques anecdotes fugitives, ont fleuri les conversations.
Un soir, au dîner, lamentations quand le footballeur brésilien tire un but contre sa propre équipe pendant le match Brésil-Croatie. À travers la salle, on entend un italien expliquer: « You know, Croats are like the Brasilians of the Balkans… » ; ce à quoi un finlandais répond en allemand en clignant de l’œil à son voisin autrichien : « En Finlande, on ne joue pas au foot. On préfère le hockey sur glace. »
Une mère enseignante d’espagnol née au Maroc, un père mi-alsacien mi-niçois né à Madagascar, je joue moi aussi avec les langues, desde pequeña. En un mot, plus Europe-et-Monde que France.
– Do you know Marcel Lupin?
– Who?
– You know, Marcel Lupin, the gentleman who steals rich people, a french novel character.
– … You mean Arsène Lupin, right?
– No no, I’m pretty sure he’s named Marcel.
Finlande, République Tchèque, Espagne (plusieurs Espagnes : Madrid, Barcelone, La Coruña…), Autriche, Belgique (les deux Belgiques !), Italie, Liban, Danemark… Et l’écriture.
– Oh what is this bird?
– It’s a pigeon.
– No way, we have no pigeons like THIS in Madrid. You are mistaken.
– I’m sure they are pigeons, we have the same in Prague.
– Helen, tell me, do you think it is a pigeon? Are they like this in Barcelona?
– Let me put my glasses… Pero està vivo o muerto??
En trois jours, des projets fleurissent, des liens forts, d’école en école, se créent. Des questions se posent aussi : comment limiter l’utilisation de l’anglais à une simple langue d’échange ? Comment au contraire mettre en valeur nos différentes langues, nos différentes cultures ? Comment les partager ?
– You know that Finnish have 100 words to say snow?
– Oh yes, Reijo told me.
– But in Groenland too, I think?
– … Oh wait, was it snow or eyes?
René de l’académie de littérature de Prague présente son projet : un tour du monde de propositions d’écriture. Des photos de personnes souriantes, une ardoise dans les mains, sur laquelle sont écrits les éléments de l’histoire qu’ils aimeraient lire… Faire écrire, puis traduire les textes en français, anglais, tchèque. Publier le livre. Les projets quittent l’Europe et dansent autour du monde.
– Mmmh I love this cold soup, what is it?
– It’s a cucumber soup.
– Ah calabacin! Me gusta mucho !
– Qué no, cucumber no es calabacin, es pepino.
– No me gusta el pepino, no puede ser!
– But it is written in the menu, concombre, so cucumber, so pepino.
– No, it is… zucchini !
– Oh… And how do you say « aubergine » in English?
Simone, le grand manitou des subventions européennes, de la Scuola Holden à Turin, présente en une après-midi toutes nos possibilités, et le moyen d’obtenir des fonds pour les réaliser. Ce qui manque, c’est l’argent, bien sûr. Plateforme européenne, partenariats stratégiques, projets coopératifs, les slides défilent sous nos yeux reconnaissants. What if… ?
– And this tree, what is this tree?
– In French, it’s a marronnier.
– Ah, a castaño.
– Do you know that in Danish, you have two words for this tree: onefor the one whose fruits you can eat, one for those you can’t.
– How do you know that? I am Danish and I don’t even know that.
Dans l’élégante salle des fêtes de la mairie du 10ème , la lecture des textes danois, finnois, espagnol, allemand, tchèque et français racontent les rêves d’Andersen, de Juan Carlos I, de Dali, de Tabucchi…
L’Europe et l’écriture, ces jours-là, ont vibré sous les lustres, au chant du violon. Fiddle, viulu, violín, violine, violino, violon.
Louise Muller
Chargée de missions partenariats et innovation
Aleph-Écriture